Dans mes souvenirs de sciences politiques et de droit constitutionnel, il me semblait que l’on utilisait l’expression de « remaniement ministériel » lorsqu’on modifiait la structure du gouvernement sans toutefois en toucher la tête et celle de « nouveau gouvernement » pour la nouvelle équipe formée à la suite de la démission du Premier ministre, même dans l’hypothèse où il serait reconduit dans ses fonctions.
Qu’on ait qualifié de remaniement l’opération à laquelle on vient d’assister n’est pas sans signification. En effet, que la presse se laisse aller à des approximations est bien pardonnable, mais qu’à aucun moment, il n’y ait eu de correction sémantique officielle, est surprenant. On ne peut croire que c’est par ignorance. Sans doute est-ce parce qu’en vérité, pas grand-chose n’a changé. Nous avons assisté à un simple jeu des chaises musicales destiné à se séparer d’inconnus ou de félons.
En fait on a tout bonnement nommé un nouveau « faisant fonction » de Premier ministre puisqu’on sait depuis longtemps que toutes l’essence de l’autorité gouvernementale est concentrée entre les mains du grand marionnettiste auquel tous les ministres sont reliés par des fils, qu’il raccourcit ou coupe à sa guise, précipitant dans le néant de la disgrâce ceux qui ont déplu.
Tout ceci traduit moins le changement dans la continuité que le dynamisme dans l’immobilité Ce n’est plus la politique du tango mais celle du Madison (puisqu’une touche anglosaxonne est de bon aloi) : quelques pas en avant, en arrière, de côté, on tape dans les mains et on recommence pour revenir au point de départ en ayant eu la sensation d’avoir avancé alors qu’on est resté quasiment sur place.
Pourtant ce n’est pas faute de s’être donné le temps de la réflexion. Voilà des semaines qu’on nous met sous pression, que nous sommes en haleine à l’attente d’un événement de portée majeure. A défaut de la renverser, on s’est borné à rétrécir la table du conseil des ministres : tous les membres du Gouvernement étant physiquement « à portée de baffe ». C’est dire que dans cet entre-soi, on continuera à faire de la petite politique étriquée, sans grandeur, sans envergure, de la petite soupe qui mijotera à petit bouillon.
PAR CYRANO