Election présidentielle aux Etats-Unis : impact géopolitique d’une deuxième Administration Biden ou d’une deuxième Administration Trump. (2/2)

par David OSORIO
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Une deuxième Administration Biden, possibles continuités et inflexions diplomatiques et géopolitiques

Biden réélu, les États-Unis maintiendront un haut degré de continuité dans leur politique tampon envers ce que certains analystes appellent le Sud global, à travers leurs engagements en matière de coopération, de commerce extracontinental, de lutte contre l’extrémisme et de multilatéralisme environnemental. Avec la Chine, il souhaitera continuer d’avancer vers la reconstruction des relations diplomatiques, notamment en faveur du bénéfice économique mutuel, en évitant une plus grande ingérence dans les affaires de Taiwan. Il s’agirait aussi d’une ligne plus conciliante avec l’Asie du Sud-Est, visant à accroître les opportunités de développement technologique grâce à l’intelligence artificielle. Dans le cas de la Corée du Nord, le gouvernement Biden n’a été efficace ni dans sa stratégie de dénucléarisation de la péninsule coréenne ni dans l’effet des sanctions contre le régime de Kim Jong-un. La dissuasion avec le concours de la Chine pourrait maintenir un frein au programme d’essais nucléaires de Pyongyang. Néanmoins, la signature d’un accord trilatéral avec le Japon et la Corée du Sud pour renforcer la sécurité dans l’Indopacifique pourrait être interprétée comme une erreur d’appréciation dans les relations avec Pékin, nonobstant que désormais la Russie et la Corée du Nord ont établi un partenariat stratégique dans différents domaines, notamment en matière de sécurité et de défense.

Au Moyen-Orient, Biden maintiendrait son soutien à Israël comme auparavant, mais sans engager les États-Unis au-delà des limites de la diplomatie multilatérale, en renforçant la médiation et la facilitation du dialogue sans entrer dans de nouvelles aventures interventionnistes. Il chercherait à accélérer un mécanisme de reconstruction à Gaza et à parvenir au rétablissement des négociations entre les parties au conflit, notamment en renforçant l’aide humanitaire.

Avec l’Iran, le gouvernement Biden ne modifiera pas sa politique de sanctions contre Téhéran face à son avancée excessive dans les activités nucléaires et maintiendra sa dissuasion en détruisant, comme il l’a fait jusqu’à présent, les centres d’opérations, les installations d’armement et tout objectif des forces Al-Quods, à protéger les bases militaires américaines dans la région et rétablir le trafic et les routes maritimes commerciales dans la mer Rouge

En Afrique, face à la multiplication des zones déstabilisées, un deuxième mandat de Biden chercherait à réduire les hostilités et établir avec l’Union africaine toute initiative visant à renforcer la convergence, l’aide humanitaire et la coopération nord-sud-sud.

Face à la Russie, Biden continuerait, avec l’Union européenne et ses partenaires de l’OTAN, à étendre les sanctions contre le régime Poutine pour élargir la politique d’isolement contre Moscou. Cependant, le plan d’aide à l’Ukraine ne serait plus un chèque en blanc pour son administration étant donné les limites imposées par les républicains au Sénat en raison de l’aggravation de la crise à Gaza et de la vague migratoire croissante.

Concernant l’Amérique latine et les Caraïbes, la politique étrangère de Biden a été timide pour ne pas dire indifférente. Au-delà de donner la priorité à la politique d’immigration, le gouvernement Biden, dans sa stratégie d’interaction avec la région, a inclus les questions énergétiques, commerciales, pétrolières et de sécurité, laissant au second plan d’autres questions importantes de l’agenda hémisphérique telles que les crises politiques à Cuba, au Nicaragua et au Venezuela, auxquelles se sont joints la Colombie et l’Équateur, et peut-être, dans une moindre mesure, le Pérou, comme l’ont relevé plusieurs analystes.

Une deuxième Administration Trump, quelles conséquences diplomatiques et géopolitiques ?

Si Donald Trump gagne, il deviendra, avec l’ancien président Grover Cleveland (1885-1889 et 1893-1897), le deuxième président à remporter deux mandats non consécutifs. Son retour à la Maison Blanche signifierait le rétablissement d’une politique étrangère plus dure et plus hostile que pendant son administration précédente. En ce sens, les tensions avec la Chine s’intensifieraient à nouveau si Trump renforçait ses rapprochements avec Taiwan et décidait de positionner les États-Unis au sein de l’industrie manufacturière, ce qui affecterait les relations commerciales avec Pékin. Avec la Corée du Nord, Trump chercherait probablement à reprendre le modeste rapprochement conclu avec Kim Jong-un en 2019, afin de maintenir ouvertes les voies diplomatiques pour gagner du temps et ainsi interrompre l’expansion nucléaire.

En Afrique comme en Amérique latine et dans les Caraïbes, un deuxième mandat de Trump pourrait utiliser de nouveaux instruments coercitifs pour redoubler les sanctions politiques, financières et commerciales déjà existantes, cherchant un plus grand isolement international à l’égard des pays classés par Washington comme étant en dehors des normes démocratiques et des droits de l’homme et les alliés de ces régimes considérés comme des menaces directes pour la sécurité des États-Unis. D’un autre côté, il n’est pas exclu que Trump souhaite placer les États-Unis à l’avant-garde du G7, afin de fournir un contrepoids plus important à la montée croissante des BRICS.

Au Moyen-Orient, il ne fait aucun doute que Trump cherchera à renforcer son soutien à Israël après avoir transféré en 2017 l’ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem, ville qu’il a reconnue comme capitale d’Israël. Cependant, un nouveau mandat face à la situation actuelle à Gaza rendrait impossible la mise en œuvre des accords d’Abraham et de nouvelles négociations, ce qui pourrait obliger les Républicains à réévaluer une future stratégie à Gaza face au soutien international croissant en faveur d’une éventuelle reconnaissance de la Palestine en tant qu’État indépendant, déjà reconnu comme tel par l’UNESCO, en 2011. Les circonstances ont changé et l’affaiblissement de Netanyahou, en raison des preuves recueillies par la commission des droits de l’homme de l’ONU sur des soupçons de crimes de guerre, est irréversible. Sans aucun doute, l’influence de Trump sur Israël, qui est plus forte celle de Biden, pourrait favoriser une trêve humanitaire beaucoup plus large alors que l’adoption d’un nouveau mécanisme de négociation et la conception d’une nouvelle feuille de route pour la reconstruction du dialogue sont résolues entre les parties.

En ce qui concerne l’Iran, Trump, après avoir retiré les États-Unis de l’accord nucléaire, renforcerait sûrement sa stratégie de pression maximale sur Téhéran, à travers des sanctions plus sévères avec le recours à des actions préventives visant à neutraliser toute menace terroriste qui mettrait en danger la sécurité de la région.

En ce qui concerne la Russie, nous présumons que Trump, surtout, après avoir déclaré à plusieurs reprises que s’il était élu président, il résoudrait le problème de la guerre entre la Russie et l’Ukraine en 24 heures, assumerait la direction des négociations avec Poutine, en essayant d’évincer ses partenaires de l’OTAN de l’équation. Cela placerait l’Ukraine dans une situation très défavorable, la forçant ainsi à s’asseoir avec la Russie, surtout si les Républicains du Congrès conditionnent le financement et la fourniture d’armes au président Zelensky.

Conclusion

Il serait certainement prématuré de vouloir prendre pleinement la dimension d’un sujet à encore sept mois du scrutin. Mais nous souhaitons ajouter quelques commentaires pour la réflexion de nos distingués lecteurs. Les États-Unis se trouvent à la croisée des chemins : privilégier l’unilatéralisme ou le multilatéralisme comme principal outil de leur politique internationale. Bref, l’histoire nous a donné quelques indices pour le moment, mais toute analyse pourrait néanmoins être insuffisante et peu concluante.

L’imaginaire de la société nord-américaine selon laquelle ses présidents représentent des super-héros n’est pas une question exagérée en politique. Cependant, ni Biden ni Trump ne parviennent à un consensus sur une telle aspiration collective. On le sait, les évolutions des relations internationales sont soumises à de multiples tensions et intérêts et le climat électoral aux États-Unis ne laisse pas présager de transformations majeures au niveau mondial d’ici à la tenue des élections. Mais il n’est pas exclu que l’administration Biden procède à des changements tactiques de dernière minute dans le cadre de sa campagne si les choses se compliquent avec la Russie et le Moyen-Orient, ce qui pourrait avoir un caractère déterminant dans les résultats.

Néanmoins, ce qui se produira tôt ou tard lors cette course électorale, est que Biden comme Trump devront manifester leurs alliances et stratégies avec leurs partenaires, soit pour des raisons de prévisibilité et de dissuasion, pour des raisons de nature transactionnelle, soit pour un besoin impératif pour la cohésion et l’engagement au-delà des affinités politiques et idéologiques. Mais avant que cela n’arrive, Biden et Trump devront faire face à leurs faiblesses. Biden pour dissiper les craintes sur sa capacité à gouverner le pays malgré son âge et Trump pour se débarrasser définitivement de tous les procès et accusations qui pèsent encore contre lui.

La démagogie est la capacité d’habiller des idées mineures de mots majeurs”.

Abraham Lincoln 

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