La France annonce favoriser l’investissement public au Sahara pour les entreprises privées françaises. L’objectif avoué : booster les échanges économiques entre les deux pays. Une forte concurrence internationale semble se dessiner dans la région.
L’annonce récente de Franck Riester, Ministre délégué français chargé du commerce extérieur, a fait couler beaucoup d’encre. La majorité des observateurs ont salué cet événement comme une étape importante vers la reconnaissance française de la marocanité du Sahara. C’est là une première. Les institutions financières hexagonales de développement, ainsi que les banques d’investissement public sont enfin prêtes à l’action. Le ministre Stéphane Séjourné, lors de sa précédente visite à Rabat, avait déjà évoqué la contribution française dans plusieurs domaines, tels que la formation, les énergies renouvelables, le tourisme et l’économie bleue (ressources de la mer).
L’assurance d’une France désormais engagée à appuyer les efforts marocains dans la région ne fait donc plus de doutes. “Pour la bonne cause” est-il précisé. Mais, pour la majorité des analystes africains, plus prosaïques, l’hexagone désirerait juste prendre sa part dans les projets déjà lancés par le Maroc au Sahara. Les groupes français placeraient simplement leurs pions. Et selon Africa Intelligence , Paris ne souhaite vraiment pas laisser le champ libre à l’Espagne, l’Allemagne ou encore aux Etats-Unis.
Ces propos quelque peu amers, ont été repris par une Algérie qui, quelques mois plus tôt, se réjouissait de la visite de Stéphane Séjourné au Maroc, au cours de laquelle la marocanité du Sahara n’avait pas été évoquée explicitement. Aujourd’hui, le voisin algérien n’applaudit guère la nouvelle configuration géopolitique qui se dessine. Les choix d’Alger ont toujours été plus “obscurs”. Malgré les tentatives de Paris pour renouer les liens, la majorité des appels d’offres algériens concernant le BTP et les investissements d’infrastructures ont été confiés à des entreprises turques ou chinoises, tandis que sur le volet énergétique, ENI reste l’entreprise étrangère majeure en Algérie et l’Italie son principal partenaire européen.
Il y a du nouveau sous ce soleil : la présence économique française dans les provinces du sud a déjà une longueur d’avance sur d’autres pays occidentaux. La chambre de commerce et d’industrie française au Maroc compte à ce jour plusieurs délégations régionales dans les trois régions du Sahara : Laâyoune, Sakia El Hamra, Dakhla. Sur ces sites, il ne manque que la présence politique et diplomatique. Dans les provinces du Sud du Royaume, la France ne tient pas à se laisser distancer par ces autres pays qui témoignent également de leur grand intérêt pour le Sahara, tels que l’Espagne, l’Allemagne et les États-Unis. Les Etats-Unis ont déjà commencé à faire leur place au Sahara : l’appel d’offre américain est évalué à 500 000 dollars, pour soutenir des projets visant à promouvoir la croissance économique à Dakhla et Laâyoune dans le cadre de l’accord de coopération entre Rabat et Washington. L’objectif ? Développer in situ des programmes axés sur l’activité des citoyens, femmes, jeunes, personnes handicapées… Les Etats-Unis visent à développer de nouvelles propositions innovantes et populaires en termes d’emplois locaux ou de créations d’entreprises.
Enfin, l’Espagne et l’Allemagne ne sont pas en reste. Tous deux soutiennent déjà le plan d’autonomie marocain et ont multiplié ces dernières années, de concert avec le Royaume, plusieurs coopérations dans le domaine de l’hydrogène, de l’industrie ou de l’agriculture. La presse locale se fait régulièrement l’écho des grandes implications de Madrid qui a signé plusieurs accords de coopération avec Rabat, tandis que Berlin a augmenté ses exportations vers le Maroc de près de 30 % en 2022.
Ce geste français sera-t-il suffisant pour remettre la relation bilatérale sur de bon rails ? Ce n’est pas certain, car le Maroc attend une reconnaissance pleine et entière de sa souveraineté sur le Sahara occidental. Il est mal interprété, fort logiquement, en Algérie. La visite du Président Tebboune en France, sans cesse différée aura-t-elle lieu ? La France a-t-elle fait son choix, choisi sa ligne ou est-ce une nouvelle illustration du « en même temps » qui s’est révélé peu efficace sur la scène internationale ?