Le progrès de l’humanité a connu un rythme accéléré dans différents domaines de développements technologiques. Mais il y en a un en particulier qui retient le plus l’attention de la communauté scientifique internationale : c’est la course à l’espace, même avant Apollo 11 et la célèbre marche sur la lune de Neil Armstrong en 1969. L’exploration spatiale qui semblait auparavant être un domaine exclusif des États-Unis et l’ex-Union soviétique a duré un peu plus de trente ans, ce qui, pour de nombreux pays, a pu être interprété comme une extension non déclarée de la guerre froide dans l’espace.
Les fondements de la diplomatie spatiale
La création en 1919 de l’Union astronomique internationale (UAI) puis en 1959 de la Commission pour les utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (COPUOS) par l’Assemblée générale des Nations Unies marquent le début de la diplomatie spatiale. Cela a favorisé l’approbation en 1967 du Traité sur les principes qui devraient régir les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique. Cet instrument établit des lignes directrices sur l’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique, interdisant le placement d’armes nucléaires ou de tout type d’armes de destruction massive, y compris leur stationnement sur des corps célestes tels que la Lune. La curiosité croissante pour le sujet a éveillé la participation du secteur privé, qui, outre l’objectif commercial, a souhaité contribuer aux avancées scientifiques et technologiques qui recherchent des réponses fiables sur l’existence d’autres formes de vie qui pourraient éventuellement se rapprocher des caractéristiques terrestres.
Les avancées de la coopération spatiale multilatérale
Dans le cadre de cette nouvelle dimension de la recherche spatiale, la coopération multilatérale a pris une tournure intéressante, avec la signature des accords Artemis proposés par la NASA et le Département d’État (non contraignants), auxquels ont adhéré les pays suivants depuis 2020 à ce jour : Canada, France, Italie, Espagne, Luxembourg, Royaume-Uni, Israël, Émirats arabes unis, Australie, Japon, Ukraine, Corée du Sud, Nouvelle-Zélande, Pologne, Mexique, Roumanie, Bahreïn, Singapour, Colombie, Arabie Saoudite, Rwanda, Nigeria, République tchèque, Équateur, Brésil et l’Inde. Ces accords visent à entreprendre une exploration civile pacifique de la Lune, de Mars et d’autres éléments astronomiques. De même, les négociations de ces accords, conformes au traité de 1967, reflètent clairement l’impulsion qu’a eu la diplomatie spatiale pour favoriser le financement de la présence humaine sur la Lune et l’exercice d’activités futures dans l’espace, qui comprennent d’envoyer des humains sur Mars à partir de 2033 et des recherches sur la vie extraterrestre.
Au-delà des divergences politiques existantes, les relations de collaboration spatiale entre les États-Unis et l’URSS ont apporté une contribution constructive et fructueuse à la science et à la coopération internationale. Cette coopération a été marquée par les premiers lancements de systèmes satellitaires comme Spoutnik en 1957, qui ont coïncidé avec l’organisation de l’Année géophysique internationale, et qui se sont ensuite poursuivis avec la Conférence spatiale de 1968 et la signature de l’Accord intergouvernemental sur la Station spatiale internationale ISS en 1998, qui définit le cadre juridique opérationnel de l’ISS et la responsabilité des astronautes dans l’espace.
Le contexte actuel et ses implications géopolitiques
Même si les accords Artemis et son programme envisagent le démantèlement de l’ISS prévu pour 2030, les plans d’exploration de la Lune et de Mars ont poursuivi leur cours, en vue de développer la station spatiale lunaire Gateway.
L’adaptation de l’ISS nécessite d’énormes financements pour promouvoir la mise en œuvre de systèmes d’amarrage pour les véhicules spatiaux, ce qui a permis à la diplomatie spatiale de mobiliser davantage d’acteurs engagés dans des projets d’investissement visant à accroître le lancement en orbite de satellites plus modernes et plus sophistiqués. Également pour éliminer le matériel obsolète et les déchets spatiaux et améliorer l’équipement de l’ISS dans ses travaux d’exploration et de recherche en astrobiologie, astronomie et services météorologiques.
La coopération multilatérale a certainement été active et c’est pourquoi de nombreuses institutions telles que la NASA, l’Agence spatiale européenne, le Comité de l’espace, l’Organisation européenne de télécommunications par satellite “Eutelsat”, l’Organisation internationale de télécommunications par satellite (ITSO), l’Organisation internationale des télécommunications mobiles par satellite (IMSO), l’Agence chinoise pour les missions spatiales habitées (CMSA) et l’Agence spatiale fédérale russe (ROSCOSMOS) travaillent en coordination sur l’utilisation responsable, équitable et pacifique des ressources spatiales. Mais cette coopération scientifique et technique n’a pas du tout empêché les principales puissances, États-Unis, Russie et Chine, d’alimenter un climat de forte concurrence dans la course à l’espace, qui inclut également des sociétés privées comme SpaceX, Northrop Grumman, Lockheed Martin, Axiom Space, Blue Origin et Virgin Galactic, entre autres.
Parallèlement à tout ce qui constitue l’intérêt commercial de la course à l’espace (fabrication de satellites, tourisme et infrastructures spatiales, etc.), force est de constater que dans la mesure où les ambitions politiques de conquête spatiale continuent de progresser, des tensions et les conflits vont se multiplier, car les puissances, pour des raisons stratégiques de sécurité et de défense nationale, poursuivent des objectifs communs implicites comme la militarisation de l’espace, le contrôle et l’exploitation des ressources lunaires, l’espionnage sur la Terre et la colonisation de Mars et éventuellement d’autres planètes. Tout cela nous amènerait inévitablement à penser que, comblant le fossé avec la science-fiction du célèbre film Star Wars de George Lucas, l’humanité se dirige vers une confrontation astro-politique qui, dans un avenir pas trop lointain… nous obligera à gérer une « gouvernance spatiale ».
Ces scénarios, probablement passés inaperçus au sein de l’opinion publique internationale, constituent de dangereux tournants porteurs de risques pour la diplomatie spatiale. Le premier d’entre eux est le développement de la technologie militaire car cela implique une compétition entre puissances pour la suprématie dans l’espace, ce qui se traduirait par une violation du traité de 1967. Le second est l’occupation de la Lune.
Une confrontation guerrière pourrait-elle alors avoir lieu en dehors de la planète ?
Oui, mais cela ne serait pas si imminent parce que les puissances ne sont pas encore préparées et parce que les récents projets de recherche et de coopération proviennent pour la plupart de leurs propres financements. A noter également que la NASA et ROSCOSMOS ont renouvelé leur accord de coopération sur l’ISS jusqu’en 2025. De leur côté, la Chine et la Russie ont annoncé en 2021 lors de la Conférence mondiale sur l’exploration spatiale (GLEX) que leurs agences respectives CMSA et ROSCOSMOS avaient convenu de la construction de la Station internationale de recherche lunaire entre 2028 et 2036. Cependant, avec les États-Unis, la Chine marque une indépendance totale depuis la mise en service de sa station spatiale Tiangong (Palais Céleste) à partir de fin 2022 avec laquelle le géant asiatique aspire à dynamiser sa coopération spatiale avec L’Amérique latine.
En conclusion, on peut supposer que, pour l’instant, la diplomatie spatiale aura le grand défi d’utiliser les mécanismes du soft power face à la compétition entre les puissances, en faisant en sorte que la coopération multilatérale devienne un facteur fondamental d’équilibre et de dissuasion pour réduire les conflits et où le rôle de la communauté scientifique internationale et du secteur privé lui-même peuvent servir d’outils de lobbying pour apaiser les tensions géopolitiques et garantir la durabilité de l’activité spatiale à des fins pacifiques.