Episode 2 : première défaite d’une droite devenue populiste face à….François Hollande
Une « fraise des bois », c’est ainsi que Laurent Fabius qualifia François Hollande en 2011. Ce dernier n’a pas la moindre expérience gouvernementale. Du pain béni pour la bête politique qu’est Nicolas Sarkozy ?
En effet, l’élimination de Dominique Strauss-Kahn de la course à la présidentielle et la désignation de François Hollande auraient dû permettre la réélection de Nicolas Sarkozy. Néanmoins la campagne de 2012 fut pour le moins atypique, dans le mauvais sens du terme.
Départ de l’Elysée pour l’UMP
Je ne la vécus pas de l’Elysée, quitté à l’été 2011, pour devenir conseiller diplomatique de Jean-François Copé. Un parcours atypique, habituellement c’est l’inverse : on passe plutôt du parti à la Présidence. Mais je le fais sans états d’âme. Arrivé à l’Elysée par le biais de Jean-Pierre Raffarin (alors Représentant Personnel du Président pour la Francophonie), je ne suis pas un sarkozyste. J’ai le sentiment de faire le bon choix, Copé ayant longtemps été un « bébé Chirac » qui a souvent marqué sa défiance ou son indépendance vis-à-vis de Nicolas Sarkozy. Par ailleurs, son parcours politique est un « sans faute », tous mes collègues me disent que j’ai fait le bon choix « Copé ne fait aucune erreur », « c’est le meilleur ». Effectivement Copé est déjà, quasiment, candidat à la prochaine élection présidentielle, celle de 2017. Mon entretien d’embauche fut un coup de foudre. Je n’avais pas encore quitté les locaux de l’UMP, alors rue de la Boétie, que Jérôme Lavrilleux m’appelait pour me dire « quand peux-tu commencer ? » Fier de moi, je lui répondis « dès la rentrée, nous nous sommes organisés à la cellule diplomatique pour cet été ». Il me répondit alors « non la semaine prochaine au plus tard ». J’intégrais donc aussitôt l’UMP comme « conseiller diplomatique » de celui qui était alors Secrétaire Général. Cela me permettait d’ouvrir mon horizon, jusqu’à lors essentiellement centré sur le monde arabe à la DGSE.
Néanmoins, le 1er déplacement de Jean-François Copé se fit dix jours plus tard en Algérie. Déplacement extrêmement sentimental pour lui, une première, alors que sa maman est originaire d’Alger. Au cours de ce déplacement, le Président Bouteflika au summum de son pouvoir le recevra pendant trois heures et lui dira « vous arrivez un peu tard ». En effet, c’est avec Jacques Chirac qu’Abdelaziz Bouteflika voulait avancer pour dépasser le passé. Mais le malheureux amendement Vanneste sur « le rôle positif de la colonisation, en février 2005, bloquera tout. Le Président algérien voit en Jean-François Copé un possible successeur. Dans un article ultérieur, je témoignerai qu’Alain Juppé portera ensuite cet espoir.
Une campagne démarrée tardivement et des choix étonnants.
Je vis donc cette campagne présidentielle au sein du parti majoritaire mais sans y prendre une part active. En effet, l’international est rarement le coeur d’une campagne présidentielle (les choses pourraient changer à l’avenir) et je ne me sens pas en adéquation avec la tonalité et le positionnement politique. La Croix de Lorraine me semble totalement reléguée, oubliée.
Le rôle de Jean-François Copé est ingrat. Le chef du parti au pouvoir a pour mission de cogner sans relâche et parfois sans modération contre l’opposition, soutenir pleinement et totalement un exécutif même quand il n’est pas en harmonie et venir au secours des ministres défaillants. Il l’accomplit avec l’immense talent qui est le sien. Mais son image en souffrira durablement. Il soutiendra pleinement et très loyalement le candidat. Il fut assimilé totalement à tort au sarkozysme et à un idéologue un peu sectaire.
Nicolas Sarkozy décide d’entrer en campagne tardivement, fin février pour des raisons assez incompréhensibles. Optant pour le modèle Mitterrand de 1988, Nicolas Sarkozy ne dispose pourtant d’aucun des atouts qui le justifieraient. En effet, en 1988, tous les sondages donnaient François Mittterrand vainqueur et il apparaissait comme rassembleur. Nicolas Sarkozy ne dispose d’aucun des deux atouts.
Second choix pour le moins étonnant, celui de ses directeurs de campagne : Guillaume Lambert et Jérôme Lavrilleux (directeur adjoint). Du jamais vu… Habituellement le directeur de campagne est un proche du candidat, expérimenté, qui peut lui parler franchement et directement, quasiment d’égal à égal. Chirac choisira Pasqua en 1988, Stefaninini en 1995, Antoine Rufenacht en 2002.
En choisissant deux personnalités jeunes qui n’ont absolument pas la possibilité de lui dire les choses franchement et encore moins le contredire, Nicolas Sarkozy fait une erreur. Non que Guillaume Lambert ne soit pas talentueux… Quant à Jérôme Lavrilleux, c’est une bête politique et il se donnera totalement dans cette campagne au point que certains s’amusèrent à le classer comme « sarkozyste » et non plus « copéiste » pour décrire cette métamorphose. Une boutade. Il n’en demeure pas moins qu’ils ne sont pas en mesure de contredire, ou se faire vraiment entendre du candidat. Les conséquences seront dramatiques.
Un air de déjà vu
Pour le reste, les poids lourds de la campagne sont les même qu’en 2007, tout comme les thèmes, à peine recyclés. Les grandes messes spectaculaires où la Rock Star remonte sur scène ont un parfum de tournée d’adieux. Ils ne trompent que les militants.
Néanmoins Nicolas Sarkozy sait faire campagne et une dynamique s’enclenche. Au point qu’à l’UMP, en dépit des sondages, la confiance règne quant à l’issue du scrutin. Nicolas Sarkozy grignote son retard. Chacun l’aura constaté, il aura manqué deux semaines de campagne pour significativement et décisivement l’écart réduire l’écart. A qui la faute si le candidat est entré trop tardivement en campagne ?
Un candidat pris en entonnoir entre l’extrême droite et le centre
Nicolas Sarkozy réalise un très bon score pour un président sortant (plus de 27%) au 1er tour mais il est devancé d’un point et demi alors que son réservoir de voix pour le second est limité. Le siphonage des voix du FN ne marche plus après cinq années d’exercice du pouvoir. Sarkozy ne peut plus être la rupture, l’anti-establishment. Jean-Marie Le Pen réalise près de 18% des voix pour sa dernière présidentielle. Quant à François Bayrou, il apporte, sans condition, son soutien à François Hollande, fort de ses 9%. Il s’agit d’une rupture historique de l’alliance entre la droite et le centre qui s’explique par l’animosité entre les deux hommes mais aussi par une dérive droitière sur le fond. A ce jour, onze années plus tard, la droite n’en a toujours tiré aucun enseignement et continue sa course effrénée non plus en pole position mais loin très loin derrière le FN devenu RN. La rupture avec le centre est consommée. Quant au programme, il est un éternel recyclage de la campagne de 2007, même cap avec des surenchères verbales peu crédibles. Une sévère corrections aux Européennes permettrait-elle enfin un choc salutaire ? »[1]
Le débat de l’entre-deux tours est complètement raté. Lors de la fameuse tirade de François Hollande « Moi Président » qui dure si longtemps, chacun attend la réplique nécessairement assassine de Nicolas Sarkozy. Elle ne viendra pas. Alors que son adversaire est totalement novice sur les questions internationales, Nicolas Sarkozy n’ira jamais sur ce terrain.
Durant cette campagne ratée, seul Jean-François Copé réussira à mettre en difficulté François Hollande lors du débat du 16 mars 2012.
Pour couronner le tout, Le 1er mai, François Fillon, Premier ministre de Nicolas Sarkozy, pendant cinq années, ne trouve pas mieux que de se démarquer et de critiquer le Président sur la question des relations avec les syndicats. Une façon de prendre ses distances avec le président-candidat, et de montrer déjà un égo surdimensionné et un sens du collectif pour le moins mesuré.
Une fin de campagne digne et une défaite qui paraît être un simple accident
Nicolas Sarkozy sait qu’il va perdre. La veille du 2nd tour, il convie ses collaborateurs à son QG de campagne pour les saluer. N’étant pas soupçonnable de sarkozysme effréné, je suis néanmoins impressionné par la force qui émane de lui, une solidité inébranlable alors qu’une défaite majeure est en cours.
Nicolas Sarkozy réussit un exploit entre les deux tours : sans recevoir le soutien du moindre candidat issu du premier, il réussit à gagner 21 points. Mais la défaite est inévitable. Son discours est émouvant et présidentiel : il quitte la vie politique active et servira la France d’une autre façon. Nous savons, qu’hélas, il n’en sera rien et que l’idée du retour ne l’a jamais quitté.
La droite est donc défaite, ce n’est pas la 1ère fois sous la Vème République. Mais elle a perdu son âme gaulliste et son ton gaullien. Le retrouvera-t-elle ?
L’UMP est alors une machine qui tourne à plein régime et parfaitement « cheffée » par Jean-François Copé. Les espoirs d’une revanche et d’un retour au pouvoir en 2017 sont réels malgré la défaites aux législatives. François Hollande qui n’a pas la moindre expérience de l’exécutif choisit un Premier ministre tout aussi novice en la personne de Jean-Marc Ayrault. Dès le début du quinquennat, il n’y a aucune surprise. Hollande n’est pas à la hauteur de la fonction. Pour ma part, je prends un risque et démissionne de la fonction publique le 18 juin 2012 car j’ai le virus politique, je crois en Copé et ne tient aucunement à servir Hollande, même de très loin.
[1] Les Républicains : vers une déroute salutaire ? | Geopolitics.fr