Petite histoire du suicide de la droite où comment est-on passé de Jacques Chirac à Eric Ciotti ?

par Erwan Davoux
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Episode 4 : LE RETOUR TOTALEMENT RATÉ DE LA ROCK STAR SARKOZY

Un faux départ

Dans le discours consécutif à sa défaite à la présidentielle, le 6 mai 2012, le ton de Nicolas Sarkozy est assurément présidentiel, à la hauteur de la fonction qu’il a occupée. La nostalgie envahit déjà ses supporters. Il se retire avec dignité.

Malheureusement, les années qui suivirent démontrèrent qu’il n’avait en rien renoncé à revenir dans la vie politique active. Comme Valéry Giscard d’Estaing, reconquérir l’Elysée n’a jamais abandonné son esprit. Mais contrairement à ce dernier, il est prêt à forcer les choses, à défaut d’une réelle fenêtre d’opportunité.

Nicolas Sarkozy y met des conditions : que les Français le rappellent, manifestent leur envie ; cela ne se produira pas. Que la droite française réclame son retour à cor et à cri ; cela n’arrivera pas. Quels les sympathisants de l’UMP exigent son retour ; rien non plus. En réalité, seule une partie des adhérents/militants veulent de son retour.

Un retour aux forceps

C’est sur cette base extrêmement fragile que Nicolas Sarkozy annonce son retour dans la vie politique, le 19 septembre 2014. Alain Juppé a annoncé, lui, le 20 août sa candidature aux Primaires. Un choc entre deux géants se profile donc. Nicolas Sarkozy, choisit, comme première étape, la reconquête du parti. Le sort de la droite est scellé. La Primaire de la droite et du centre va prendre le caractère d’une foire d’empoigne.

La bataille pour la présidence de l’UMP se joue à l’automne 2014. Seuls les adhérents (268 000 leur nombre a chuté de 50 000 par rapport à la même élection en 2012) prennent part au vote. Sans surprise, Nicolas Sarkozy est élu dès le premier tour. Néanmoins son score légèrement inférieur à 65% et la belle percée de Bruno Le Maire (plus de 29% des voix) démontrent d’emblée que le retour de Nicolas Sarkozy s’est fait aux forceps, très loin du plébiscite qu’il espérait. Les figures de la sarkozie sont de retour au parti. Néanmoins, un changement significatif est à noter : Fréderic Lefebvre l’ancien conseiller politique est devenu un adversaire, et, son remplaçant, Eric Challe est au moins une division en dessous.

D’un point de vue personnel, je ne peux rester à l’UMP. Après avoir démissionné de la fonction publique, je me résous à demander une rupture conventionnelle sans trop savoir de quoi sera fait l’avenir. En effet, dès lors qu’Alain Juppé est candidat, il est hors de question pour le chiraquien que je suis de faire un autre choix. Je négocie ma rupture conventionnelle avec Frédéric Péchenard, nouveau Directeur Général de l’UMP. Je le connais et l’apprécie. Son prédécesseur ne laissera pas un souvenir impérissable au parti, c’est le moins que l’on puisse dire. Il sera remercié en 5 mn par Nicolas Sarkozy.

Je vais donc participer à cette primaire mais en adversaire de Nicolas Sarkozy. Sans aucune acrimonie mais persuadé qu’il est grand temps pour la droite française de revenir aux fondamentaux gaullo-chiraquiens.

Chef d’un parti en déliquescence

L’UMP une marque associée à de nombreuses victoire devient « Les Républicains », un changement de nom qui ne s’imposait pas. « Les Républicains » subiront un long cycle de défaites électorales qui n’a pas pris fin.

Mais, sans surprise, Nicolas Sarkozy n’a aucune intention de s’impliquer vraiment dans la vie interne du parti et la construction d’une nouvelle matrice intellectuelle. Ce qui lui faisait envie et à quoi il s’était appliqué en 2004-2005, ne le motive logiquement plus.

Toutefois, cette position de chef de parti, qu’il occupe pendant la majeure partie des Primaires, est discutable et lui donne un certain avantage sur ses concurrents. Un atout de taille au moins : il a la haute main sur la Commission Nationale d’Investiture confiée à l’un de ses très proches : Christian Estrosi. Il dispose ainsi d’un moyen de pression sur les futurs candidats aux législatives, contraints de montrer patte blanche à moins d’être solidement identifiés. De manière générale, le réseau d’élus se mobilise LR en sa faveur. La direction de campagne d’Alain Juppé délaisse le parti. Ce fut une grossière erreur.

Une tentative de rééditer la campagne de 2007 mais sans l’atout de la nouveauté

Nicolas Sarkozy mène la campagne tambour battant avec l’énergie qu’on lui connait. L’objectif est de marquer le contraste avec Alain Juppé, plus âgé, plus nuancé. L’idée est d’opposer la bête politique à un technocrate âgé. Il n’aura cessé durant cette campagne de « cogner » sur Alain Juppé sans que ce dernier ne rétorque suffisamment, à mon goût. Ce faisant, il fera la courte échelle à François Fillon qui aura traversé le primaire indemne, et qui ne se privera pas lui d’asséner des coups percutants. Ainsi, le 28 août 2016, l’ancien Premier ministre déclara « Imagine-ton un seul instant le Général de Gaulle mis en examen » ? Aux psychiatres d’analyser ce qui se passa alors dans l’esprit du futur vainqueur de la primaire… En effet pour parachever le tout, Nicolas Sarkozy est rattrapé par l’« affaire Bygmalion », instrumentalisée à ses débuts pour faire tomber Copé.

Sans surprise, Nicolas Sarkozy fera du Nicolas Sarkozy durant toute la campagne. Les thèmes de campagne de 2007 sont ressortis de la naphtaline et durcis pour tenter, une fois de plus, sans succès, de contrecarrer l’ascension du FN. L’effet nouveauté de 2007 n’opère plus. Depuis Nicolas Sarkozy a un bilan, un passif diront certains qui affaiblit considérablement la force et la crédibilité de ses propos.

Sarkozy n’a pas réussi à gommer l’image de son début de quinquennat qui lui colle à la peau : l’homme du Fouquet’s, l’homme du yacht de Bolloré… « La France pour la vie » qu’il publie en janvier 2016 a vocation à gommer ces erreurs. Mais il est trop tard et le personnage Sarkozy bien ancré dans l’esprit des Français avec ses qualités…Mais surtout ses défauts. Le clivage permanent. La « double portion de frites » dans les cantines lorsque du porc est servi sera le révélateur d’une campagne populiste et ratée.

La magie n’opère plus

Le charme, la fascination n’opèrent plus. En tant que responsable LR de la 9ème circonscription des Français de l’étranger (où je m’apprête à être candidat), je suis chargé d’organiser, à la hâte, un meeting pour Nicolas Sarkozy (moi qui suis dans l’équipe de campagne d’Alain Juppé). Je le fais par respect pour l’homme et parce que contrairement à d’autres, je ne pense pas qu’il soit judicieux de négliger le parti, dans une Primaire de la droite et du centre. Les Républicains, à l’étranger sont en état de déliquescence depuis la nomination du sénateur Frassa à la tête de la Fédération des Français établis hors-de-France. La tâche est ardue mais la salle est pleine. Et je constate que dans un pays qui lui paraît acquis et où il reste en théorie très populaire, l’ambiance est glaciale. Quelques applaudissements polis, aucune ferveur…

Les trois débats télévisés entre les candidats à la Primaire ne lui permettent pas de marquer des points. Il n’étonne pas, ne sort pas du lot. Il assume une ligne suicidaire jusqu’au bout : reprendre sans cesse les thèmes du FN tout en le stigmatisant et en dénigrant les populistes.

Une sortie par la petite porte

Il est peu de dire que la faiblesse du score (20,6%) de Nicolas Sarkozy est un choc. Il n’a, finalement, réussi à convaincre que le noyau dur des militants et des adhérents dans un corps électoral où ils sont largement minoritaires. Cela signifie la fin définitive, à son corps défendant, de la vie politique active. Mais pas de toute influence.

Il choisit de voler au secours de la victoire pour ce second tour de la primaire en apportant son soutien à François Fillon dont le score étonnement élevé ne laisse planer aucun doute sur l’issue du scrutin. Le choix peut paraître logique car l’intéressé fut son Premier ministre pendant cinq années. Néanmoins, les contentieux se sont accumulés entre les deux hommes et le camp Fillon n’a pas ménagé Nicolas Sarkozy, contrairement à celui d’Alain Juppé. C’est donc surtout un choix d’opportunité que fait Nicolas Sarkozy. L’horizon judiciaire semble bien chargé, mieux vaut être du côté du futur Président de la République que de celui qui sera le perdant malheureux de la Primaire.

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