Un système conçu pour faire gagner des députés à la droite et qui n’a jamais atteint ses objectifs.
Les 11 députés des Français établis hors-de-France sont une innovation introduite par la réforme constitutionnelle de juillet 2008. Nicolas Sarkozy, qui en est à l’origine, poursuivait alors deux objectifs : celui louable que les Français à l’étranger soient représentés à l’Assemblée Nationale afin d’être des citoyens à part entière. L’autre était de s’assurer le gain de 9 circonscriptions sur les 11 créées. En effet, jusqu’en 2007, les Français établis à l’étranger avaient toujours voté à droite, tant que cette dernière n’était pas populiste. Seules deux circonscriptions sur les 11 ne semblaient pas acquises : la 7ème qui regroupe l’Allemagne, l’Europe centrale et orientale apparaissait comme tangente ; la 9ème qui regroupe le Maghreb et Afrique de l’Ouest, considérée comme imprenable.
Or, il n’en fut rien. La dérive de la droite vers le populisme décomplexé, a provoqué une réaction allergique d’une population attachée à un France ouverte sur le monde et dont le niveau d’études est supérieur à la moyenne française. Les Français établis à l’étranger sont l’anti-CNEWS.
Une autre erreur politique monumentale, en interne, fut de confier à des sénateurs la responsabilité de la Fédération UMP puis LR des Français de l’étranger. Le déclin vertigineux date de cette période. En effet, la seule préoccupation des dits sénateurs est de conserver la maîtrise d’une soixantaine de conseillers des Français de l’étranger (leurs grand électeurs) afin d’être réélus, surtout pas de faire du chiffre, des adhérents ou, pire encore faire élire des députés français de l’étranger. Le but est de maintenir un système fantomatique qu’ils maîtrisent afin d’assurer leur réélection
En 2012, seules les 10 et 11ème circonscriptions envoyèrent un député UMP.
En 2017 : seule la 8ème circonscription, celle de Meyer Habib (se présentant sous l’étiquette étrange d’UDI mais dont chacun connaît les réelles convictions) fût gagnée.
En 2022 : toujours le même et l’unique Meyer Habib pour les raisons que chacun connait.
Lors de ces élections législatives anticipées : aucun candidat de droite au 2ème tour, si ce n’est le dit Meyer Habib qui fait désormais ouvertement l’apologie du Rassemblement National.
Ainsi, l’objectif poursuivi par Nicolas Sarkozy, 9 circonscriptions supplémentaire pour la droite, s’avéra être un échec complet.
Un découpage électoral incohérent et qui favorise les ingérences étrangères
En effet, au lieu de choisir une « circonscription monde » ce qui est le cas pour les Sénateurs des Français établis hors de France, il a été choisi de découper le monde en 11 circonscriptions.
Si certaines ont une cohérence, en dépit d’une étendue qui empêche toute campagne de proximité telles que la 1ère qui regroupe l’Amérique du Nord ou la 2ème qui regroupe Amérique centrale et du Sud, d’autres n’en ont pas. Le monde arabe tout comme l’Afrique sont écartelés entre les 9ème et 10 circonscriptions. La 11ème circonscription s’étend de la Russie à la Nouvelle-Zélande et compte 53 pays !
En réalité, seules deux circonscriptions : la 4ème (Benelux) et 6ème (Suisse et Liechtenstein) ont une cohérence géographique et permettent réellement de faire campagne.
Dans d’autres, le poids déterminant d’un seul pays place les élections sous la coupe d’une puissance étrangère
Le cas le plus flagrant est celui de la 8ème circonscription (Israël, Italie, Grèce, Turquie, Chypre, Saint Marin, Malte, le Vatican) : ce sont en réalité les seuls électeurs inscrits en Israël, ultra-dominants, qui font la décision. Pour être élu, Meyer Habib n’a besoin que du soutien que des franco-israéliens. Ainsi nous avons un député mi-Knesset, mi-Assemblée Nationale.
Cet exemple le plus significatif n’est hélas pas le seul. Comprenne qui voudra.
L’autre forme d’ingérence est financière. La Commission Nationale des Comptes de Campagne n’a aucun pouvoir pour agir et contrôler à l’étranger les flux financiers. Qu’un Etat choisisse un candidat et l’argent (en espèces) coule à flot sans aucun contrôle ni sanction.
Une modification du mode de scrutin est indispensable
Pour échapper à ces travers, un moyen semble évident et simple : le scrutin de liste avec une circonscription-monde. Ce serait la fin des ingérences étrangères et du mythe d’un député de proximité qui n’existe pas. Le débat serait nationalisé et les Français de l’étranger moins segmentés. Aux députés élus, s’ils le souhaitent, par la suite, de se spécialiser sur certaines zones du monde, en participant activement à tel ou tel groupe d’amitiés. Le scrutin pourrait être totalement électronique si l’on est capable de prévenir les intrusions étrangères.
Le Ministère des Affaires étrangères est loin d’avoir l’expertise du Ministère de l’Intérieur en matière électorale
Il ne s’agit nullement de viser des diplomates dont l’excellence n’est plus à démontrer et qui souffrent tant d’avoir des Ministres pas à la hauteur. Bien au contraire, certains ont tenu très haut l’honneur de la diplomatie français en dénonçant le suivisme, l’incohérence, et la partialité de la politique étrangère conduite dans le monde arabe. Néanmoins, il n’existe pas de réel savoir-faire au ministère des Affaires étrangères en matière électorale, le constat est là !
La réforme du mode de scrutin devrait s’accompagner d’un transfert d’organisation de l’élection du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères vers le Ministère de l’Intérieur qui, lui, est rompu à l’organisation des élections et réactif.
Je vais évoquer d’abord les problèmes auxquels ont été confronté tous les candidats qui n’étaient pas députés sortants durant cette campagne extrêmement courte.
Le 9 juin, le Président de la République annonce la dissolution de l’Assemblée Nationale.
Le 11 juin, le Ministère de l’Intérieur met en ligne « le mémento du candidat » ; ce sera le 15 juin pour le Ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Le Ministère de l’Intérieur et la Préfecture de Paris sont joignables en permanence. Le bureau des élections (Direction des Français établis à l’étranger et de l’administration consulaire) du Ministère des Affaires étrangères, jamais.
La liste électorale consulaire (LEC) est le principal instrument dont dispose les candidats à l’étranger pour faire campagne en envoyant des mails aux Français immatriculés (surtout lorsque le compte de campagne n’est pas ouvert ce qui interdit le moindre déplacement sur le terrain). Le Ministère des Affaires étrangères ne mettra à disposition des candidats cette fameuse LEC qu’à compter du 17 juin, 8 jours après l’annonce de la dissolution et 8 jours seulement avant le début du vote électronique. Cette dernière n’était, en effet, pas à jour…On croit rêver !
Me concernant, particulièrement, j’eu droit à un traitement de « faveur » : ma profession de foi, mise en ligne sur le site du ministère des affaires étrangères, n’était pas au bon format, inouvrable alors qu’elle constitue un élément essentiel pour se forger une conviction pour le vote électronique !
A Tunis, dans le principal bureau de vote, mon bulletin était absent. Ce n’est que lorsque mon délégué est arrivé pour noter cette anomalie qu’en recherchant un peu, on les trouva dissimulés sous un sac…. Toujours à Tunis où l’incompétence semble notoire, mon délégué ne put assister au dépouillement, mais tenu à l’écart dans un couloir, contrairement à ce que prévoit le code électoral.
Comme bien d’autres candidats, je ne fus en mesure de désigner des représentants dans toutes les villes ou pays. Me concernant, Dakar, Alger, Annaba, Oran, Marrakech, Fès, Tanger, Conakry restèrent sans délégué. Comment s’est déroulé le scrutin dans tous ces lieus ? Avec les mêmes anomalies qu’à Tunis ? Il sera, à jamais, possible de le savoir.
La moindre des choses est d’être certain que le scrutin est sincère et non biaisé.
Il est grands temps de considérer les Français établis à l’étranger comme des citoyens à part entière dont la voix compte autant que celle des Français établis en France, loin des ingérences étrangères et de modalités d’élection défaillantes.