Le débat entre Trump et Biden: symbole du déclin de la démocratie américaine?

par David OSORIO
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Aux États-Unis, il n’est pas habituel dans les débats présidentiels de déterminer a priori un vainqueur, surtout lorsqu’il reste encore plusieurs mois de campagne jusqu’au jour de l’élection le 5 novembre, qui sera précédé d’un deuxième débat prévu le 10 septembre.

Cependant, et sans intention d’assumer une position de favoritisme à l’égard d’un quelconque candidat, l’intérêt de notre analyse est de comprendre la complexité du contexte électoral actuel aux États-Unis et comment la société américaine, pour la première fois de son histoire, se retrouve coincés dans un labyrinthe politique devant choisir le prochain président entre deux options qui ne garantissent pas une pleine confiance aux électeurs et qui, au contraire, pourraient encore intensifier le climat de polarisation et de fracture sociale.

« Le débat » du 27 juin entre le président Joe Biden et l’ancien président Donald Trump, loin de constituer un échange politique de haut niveau, a été un concours d’accusations et d’intrigues avec peu de contenu programmatique sur les propositions que les américains attendaient sur plusieurs questions clés tels que l’économie, l’avortement, l’immigration, les impôts et la politique étrangère, entre autres.

La « performance » de Biden

Au-delà d’un rhume non révélé avant le débat, l’actuel président s’est révélé très atteint physiquement et intellectuellement, davantage en raison des incohérences de ses réponses que de son âge avancé. La fragilité de ses interventions et le manque de solidité de ses explications ont démontré que Biden n’a pas profité des opportunités nombreuses pour contrer les déclarations erronées de Trump. Plusieurs analyses, dont un récent article de The New York Times, indiquent que Biden n’est pas en mesure de poursuivre la course à sa réélection. Cependant, malgré son mauvais début dans le débat, d’autres experts soulignent que Biden s’est amélioré dans ses dernières interventions, fournissant des données intéressantes sur sa gestion, mais cela n’a pas suffi.

La prestation de Biden a sans aucun doute été la plus catastrophique depuis le début des débats présidentiels, en 1960, entre John F. Kennedy et Richard Nixon. Ce qui semble incontestable, c’est le fait que Biden semble sérieusement épuisé et ne démontre pas qu’il possède les capacités cognitives nécessaires pour continuer quatre années supplémentaires à la Maison Blanche. Biden peut à peine maintenir un certain niveau de concentration lorsqu’il répond aux questions. Sa candidature est-elle menacée à deux mois de la Convention nationale démocrate ?

Biden a raté plusieurs occasions d’attaquer son rival, comme sur la question de l’avortement ou sur la question fiscale où Trump entend réduire les impôts des riches sans indiquer quels avantages cette proposition apporterait. Biden n’a pas non plus profité de l’occasion pour déclarer que son administration serait plus fiable si elle continuait à travailler avec l’Europe et l’OTAN contre la Russie. Au lieu de cela, il a préféré mettre davantage l’accent sur le caractère ridicule d’attaquer Trump pour le scandale avec une actrice porno. À notre avis, c’est une erreur de vouloir présenter Biden sous une personnalité cordiale et calme par contraste avec un Trump qui se comporterait de manière impertinente, grossière et irrévérencieuse, comme il le fait habituellement.

La performance de Trump

Trump a veillé à apparaître dans le débat avec un profil plus calme, simulant l’apparence d’une personne à la fois modérée et énergique, sans excès dans son verbe, même si cela ne pouvait qu’étaler son cynisme à nier les problèmes et les condamnations judiciaires à son encontre. Malgré cela, Trump a compensé par une personnalité robuste et une meilleure gestion physique et émotionnelle, ses réponses approximatives ou erronées.

Trump n’a aucune ressource politique propre contre Biden dans cette campagne, en fait il parle à peine de son gouvernement, il n’a en sa faveur que la fragilité de son adversaire et c’est principalement l’objectif de sa stratégie de campagne.

C’est pourquoi Trump est un expert en bullying politique, car s’il avait réellement un adversaire plus jeune et plus énergique, il serait en grande difficulté. La raison est très simple : Trump est le maître de la controverse et cela fait de lui une personne capable de diviser le pays en seulement cinq minutes. Un autre candidat républicain se serait lancé dans l’attaque de la politique étrangère de Biden au lieu de se vanter d’être un meilleur golfeur. Les exemples des erreurs de Biden dans la gestion de la politique étrangère sont nombreux : le retrait d’Afghanistan et la prise du pouvoir par les talibans, le renforcement de Poutine et son attaque contre l’Ukraine, la voracité commerciale de la Chine, la résurgence de la menace nucléaire de la Corée du Nord, le massacre de masse à Gaza, l’incohérence de la politique d’immigration à la frontière avec le Mexique et l’inertie face à l’instabilité politique en Amérique latine.

Une élection non conventionnelle qui s’apparente davantage à une émission de Reality Show

Les sondages d’opinion après le débat indiquent que Trump a gagné avec 67 % contre 33 % pour Biden. Cela ne signifie pas obligatoirement une victoire anticipée pour Trump, car il existe des expériences dans l’histoire qui montrent qu’un deuxième débat peut changer la donne. Le problème est la perception que Biden véhicule à chaque apparition publique.

Biden tente de cacher son image vacillante déjà éclipsée en tentant de justifier la dégradation de sa condition physique avec ses lunettes d’aviateur. Tandis que Trump ment en niant tout ce qui lui est reproché, y compris l’assaut du Capitole, ses scandales personnels et ses inexactitudes dans ses déclarations d’impôts. Ce drame politique est-il similaire à la célèbre émission de Trump « The Apprentice » ?

Le contexte de cette élection présidentielle révèle que la démocratie américaine subit aujourd’hui un véritable déclin, incarné par deux candidats qui auraient largement perdu face à tout autre adversaire démocrate ou républicain. Le bipartisme est-il épuisé ? Est-ce qu’il n’y a pas de nouveaux dirigeants au sein du Parti démocrate et du Parti républicain capables d’assumer, par leur leadership et leur expérience, un changement générationnel dans la politique américaine ? Est-ce que la société américaine n’est pas capable de réagir pour se mobiliser et promouvoir une transformation démocratique en rupture avec les élites traditionnelles de l’establishment ?

La vérité est qu’après Trump ou Biden, quel que soit le résultat, il y aura un autre pays, contraint par des circonstances internes et externes à renouveler son personnel politique et à reconstruire un climat de normalité fédérale. La politisation croissante dont a souffert, au cours des dernières années les institutions de la grande nation américaine appelle un renouveau.

Les conséquences possibles 

La rigidité du bipartisme américain enfermé dans une élection-piège représente d’emblée une énorme difficulté pour une société moderne, prisonnière d’une Constitution soumise à de multiples amendements au fil du temps.

Mais au-delà de tout scénario, ce processus électoral est complètement atypique car, quoi qu’en disent les sondages, le président Biden n’a que ce mois de juillet pour clore sa terrible participation au premier débat. Le pire est qu’à chacune de ses apparitions confirment les plus grands doutes naissent et ses tentatives pour donner confiance s’avèrent contre-productives.

Si le président Biden ne se soumet pas à de nouveaux examens médicaux, cela pourrait encore accroître la pression au sein du Parti démocrate pour favoriser le retrait de sa candidature lors de sa convention nationale le mois prochain. Candidats possibles : la vice-présidente Kamala Harris ? Michelle Obama ? une revanche pour Hillary Clinton ? Ou un outsider ? C’est une possibilité, d’après notre analyse,qui pourrait être avalisée non au sein du parti démocrate, mais par les Obama et les Clinton cet été.

De son côté, l’ancien président Trump semble faire campagne avec pour seul rival lui-même. Son équipe de campagne s’emploie à éviter ses sorties de route.  Si les démocrates venaient à remplacer Biden, cela changerait considérablement la donne de cette la campagne, obligeant Trump et son équipe à changer radicalement de stratégie basée avant tout sur la disqualification personnelle du président Biden.

Ils devraient alors relever le défi de rivaliser avec un candidat dynamique, s’appuyant sur la machine électorale démocrate pour retrouver le chemin perdu avec Biden. La presse redoublerait particulièrement d’efforts à l’encontre de Trump à la fois sur son passé personnel et ses erreurs politiques. Une manière de contrecarrer les déclarations menaçantes de Trump relatives à des représailles massives contre ses opposants politiques s’il parvenait, à nouveau, à la maison blanche.

Les démocrates tenteront également de justifier le remplacement de Biden par la ferme conviction que le problème ne venait pas du gouvernement de Biden mais plutôt de son état de santé, qui l’empêchait de poursuivre son action. Une administration purement démocrate mettrait l’accent sur le renforcement des programmes sociaux. les politiques d’emploi et le repositionnement des États-Unis dans le contexte international de manière plus influente et proactive.

Sommes-nous aux portes d’une BidenExit… ?

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