ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES AU VENEZUELA, UN PAYS PLONGÉ L’INCERTITUDE

par David OSORIO
8 minutes lire

Le Conseil National Électoral (CNE), avec 80% des votes comptabilisés, a proclamé Nicolas Maduro vainqueur des élections présidentielles de ce dimanche 28 juillet, pour un troisième mandat consécutif avec 51,2% (5 150,092 votes), tandis que le candidat de l’opposition Edmundo González Urrutia obtenait 44,2% (4 445 978 votes).

Cette annonce a surpris car au cours de la journée électorale, l’opposition avait dénoncé plusieurs irrégularités lors de la fermeture des bureaux de vote, ses délégués ayant été exclus du processus de vérification du dépouillement des votes. Par conséquent, la transmission des résultats à la salle de totalisation du CNE fut stoppée.

Avec une participation de 59%, tous les sondages sortis des urnes allaient dans le sens d’une nette victoire de Edmundo González Urrutia (70/30) sur Maduro. Toutefois, il convient de rappeler que le CNE est un organe contrôlé par les chavistes, ce qui jette un doute sérieux sur son impartialité.

Une compétition électorale inégale dès le début

L’opposition a relevé le défi de participer aux élections dans des conditions absolument biaisées et risquées. En effet, il faut rappeler que María Corina Machado (leader de la coalition d’opposition) fut tout d’abord désignée comme candidate à la présidentielle après avoir remporté les élections primaires avec une large marge face aux autres candidats qui composent les partis de la Plateforme Unitaire (opposition).

Par la suite, le Contrôleur général de la République, soutenu par le Tribunal suprême de justice, également contrôlée par les chavistes, prononça une sentence qui l’empêchait d’exercer des fonctions publiques pendant 15 ans, en guise de représailles politiques.

Enfin, le CNE, à travers son site internet, a empêché sans justification la candidature de la professeur Corina Yoris, une universitaire respectable qui n’avait aucun obstacle de nature légal pour remplacer Machado. A seulement trois mois des élections présidentielles, l’opposition a réussi à opter, à l’unanimité, pour la candidature de l’ambassadeur à la retraite, Edmundo González Urrutia, un diplomate de carrière respecté, âgé de 74 ans, issu des rangs de la démocratie chrétienne.

Mais le régime de Maduro, faisant un usage abusif des ressources publiques, des espaces publicitaires et contrôlant totalement la presse et les médias audiovisuels, a déployé sa machine électorale pour mener une campagne acharnée, remplie de menaces, de persécutions et d’arrestations arbitraires contre plus de 100 membres des équipes de campagne de l’opposition. En plus d’utiliser les forces de sécurité de l’État et ses militantes pour saboter les équipes techniques de l’opposition, rendant difficile l’accès aux différents points de rassemblement bloquant les rues et les autoroutes et fermant illégalement de nombreux hôtels, restaurants et établissements commerciaux qui ont apporté leur soutien à la candidature de González Urrutia.

Dans le même temps, quelques mois avant les élections, le CNE avait préparé un document qui, en dehors de la Constitution et de la loi, exigeait que les candidats à la présidentielle signent à l’avance un engagement à reconnaître les résultats des élections présidentielles avant leur tenue. Et quelques jours avant la fin de la campagne électorale, Nicolas Maduro menaça de provoquer un bain de sang et une guerre civile s’il perdait les élections.

Une observation internationale politisée et restreinte

En plus de tous les abus décrits ci-dessus, le gouvernement Maduro n’a autorisé la présence que de seuls observateurs idéologiquement liés au chavisme, empêchant la participation de l’Union européenne et de différents acteurs internationaux. Il n’hésita pas à interdire un vol de la compagnie Copa Airlines dans lequel plusieurs anciens présidents latino-américains se rendraient à Caracas comme observateurs invités par l’opposition vénézuélienne.

Conséquences géopolitiques

Plusieurs chefs d’État d’Amérique latine et d’autres parties du monde se sont déjà prononcés, remettant en question la transparence des résultats, exigeant la vérification des votes exprimés en présence de tous les témoins et observateurs internationaux.

Cependant, d’après notre analyse, nous ne pensons pas que le régime de Maduro soit disposé à céder à tout type de pression de ce type, car s’il était prouvé que les élections avaient été manipulées, la communauté internationale pourrait durcir les sanctions qui placeraient le Venezuela dans une situation extrême d’isolement international, notamment dans les relations avec les pays occidentaux, tant sur le plan diplomatique que financier et commercial.

D’autre part, le régime Maduro a établi de puissantes alliances stratégiques de coopération au niveau commercial et en matière de sécurité et de défense avec des pays comme la Russie, la Chine et l’Iran, ce qui pourrait générer une nouvelle escalade des tensions avec les États-Unis et l’Union européenne en raison de l’augmentation de la présence militaire de ces pays, particulièrement stratégique de l’Amérique latine. Dans ce contexte, il n’est pas exclu que la question puisse éventuellement être débattue à l’Assemblée générale des Nations Unies, au Conseil de sécurité et à l’Organisation des États américains (OEA), mais sans conséquences majeures.

Scénarios de sortie de crise possibles

Le président du CNE a signalé que l’organisation avait subi une cyberattaque qui a retardé le décompte des votes et a demandé au procureur général d’ouvrir une enquête sur les actions terroristes perpétrées contre le système électoral. Cette plainte pourrait conduire à de nouveaux emprisonnements et persécutions, afin de susciter la peur dans la population et empêcher toute tentative de manifestations de protestation contre la victoire de Maduro.

Pour sa part, Maduro a annoncé son intérêt à convoquer un grand dialogue national avec tous les secteurs de la société civile, par lequel il tentera de calmer les esprits en interne et de transmettre au monde une image de légitimité afin de réduire la pression internationale, accompagné par la reconnaissance des autres candidats participants à cette élection. En ce sens, le gouvernement Maduro pourrait redoubler d’efforts de dialogue avec les États-Unis à court terme, en profitant de la situation électorale dans ce pays pour réactiver les vols de rapatriement de milliers de vénézuéliens sans papiers et ainsi contribuer indirectement à la politique de contrôle de l’immigration de l’Administration démocrate.

À l’heure actuelle, plus de 2 millions de votes doivent encore être comptées, les résultats ne sont donc pas irréversibles, surtout si la différence de votes entre Maduro et González est de 700 000 voix. Par conséquent, des jours de grande tension sont prévisibles au Venezuela et nous ne savons pas si, comme dans d’autres processus électoraux, la population finira par être démoralisée et démobilisée ou si, au contraire, l’activisme civique continuera à exiger un recomptage impartial des votes pour atténuer les doutes existants.

Il est certain, en cas de confirmation de la victoire de Maduro, qu’une nouvelle vague migratoire de vénézuéliens se produira dans les semaines à venir, générant un climat de chaos encore plus grand pour les principaux pays voisins et d’accueil de réfugiés vénézuéliens.

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