LES JEUX OLYMPIQUES DE PARIS 2024 ENTRE SPORT ET POLITIQUE

par Julie BONIN
9 minutes lire

Le 26 juillet dernier, le feu de départ a été donné aux Jeux Olympiques de Paris 2024. Il s’agit d’unévènement sportif à portée planétaire : 206 pays, 10.500 athlètes dans 45 disciplines sportives différentes.

Au-delà des aspects logistiques et sécuritaires, c’est aussi une opportunité unique pour le pays hôte promouvoir sa culture, son patrimoine et ses talents, afin d’exercer autant que possible son soft power, un concept introduit par Joseph Nye qui se traduit par la capacité d’un pays d’influencer les autres sans recourir à des méthodes coercitives. En ce sens, les défis sont nombreux, mais les bénéfices potentiels le sont aussi.

Par ailleurs, les Jeux sont utilisés comme un outil géopolitique et n’échappent pas aux conflits et tensions qui parcourent le monde. D’ailleurs, les Jeux Olympiques de Paris se réalisent dans le contexte international le plus instable depuis les années 80.

Aspects géopolitiques

Au-delà d’être une célébration sportive, les Jeux olympiques reflètent incontestablement les complexités et les tensions existantes de par le monde.

Par exemple, l’URSS a exigé en 1953 d’être séparée des athlètes des pays capitalistes ; la Chine s’est retirée en 1956 en raison de la reconnaissance de Taiwan par le Comité Olympique ; à Munich en 72, 11 athlètes israéliens furent assassinés par des terroristes palestiniens ; en 1980 des dizaines de pays occidentaux ont boycotté les Jeux olympiques de Moscou, etc.

Afin de saisir le paysage international actuel et les tensions géopolitiques entourant ces Jeux, il est essentiel de considérer principalement ces trois piliers : l’absence de la Russie et de la Biélorussie en tant que nations, la participation de la Palestine et d’Israël et la configuration de l’équipe olympique de réfugiés.

Ainsi, même en son absence officielle, la Russie suscite la discussion. Elle a été exclue participation aux JO de Paris en raison du conflit avec l’Ukraine. Ainsi, les athlètes russes ne peuvent prétendre à représenter leur pays et doivent participer en tant qu’athlètes individuels, neutres. C’est une décision qui n’a guère été appréciée par le président Poutine car cela prive la Russie de montrer la valeur de son modèle face à une audience internationale, à un moment où il en a réellement besoin. Il n’est pas rare que

pays hôte utilise un événement de cette envergure pour améliorer ou promouvoir une image positive du pays, c’est ce que fit Hitler lors des Jeux de Berlin en 1936, saisissant l’occasion de présenter au monde la prétendue supériorité de l’Allemagne nazie.

Ensuite, le conflit entre la Palestine et Israël et leur participation respective aux JO a suscité des réactions de la part des Français mais également des délégations. Le Comité olympique palestinien a demandé, très tardivement, au Comité international olympique (CIO) d’exclure la délégation israélienne des Jeux olympiques de Paris 2024 pour avoir violé la trêve olympique. Demande rejetée.

Une protection renforcée a été mise en place pour les athlètes israéliens 24 heures sur 24.

Ensuite, la participation de l’équipe olympique de réfugiés, composée de 36 athlètes, symbolise l’impact des tensions internationales sur la vie de millions de personnes et reflète, encore une fois, la dynamique géopolitique mondiale. D’ailleurs, le nombre d’athlètes qui composent cette équipe est en

hausse, avec 7 personnes en plus qu’aux Jeux de Tokyo en 2020. En outre, 64% viennent du Moyen-Orient (de l’Afghanistan, la Syrie et l’Iran) dont 56,5% sont iraniens, ce qui représente 36,1% du total des athlètes de l’équipe de réfugiés. Pour le reste, sept personnes proviennent du continent africain (Erythrée, Ethiopie, Congo, Cameroun et Soudan) et cinq autres de l’Amérique Latine (Mexique, Cuba et Venezuela).

Pourtant, mis à part d’être le reflet des tensions et conflits dans le monde, ces athlètes sont aussi un symbole d’espoir pour tous les réfugiés du monde entier, participant pour la troisième fois au Jeux et dans douze disciplines olympiques différentes : l’athlétisme, le badminton, le breaking, la lutte, le judo, le canoë, le cyclisme, l’haltérophilie, le badminton, la boxe, la natation, le taekwondo et le tir.

Un élément politique et de Soft power indéniable

Les Jeux Olympiques de Paris 2024 visent à promouvoir l’unité et le respect entre les nations malgré leurs profondes rivalités, comme en témoignent les emblématiques anneaux entrelacés.

Nonobstant, ils se déroulent dans un contexte géopolitique tendu, marqué par une redéfinition de

l’ordre mondial à travers des conflits et la rivalité où la guerre d’influence, ou autrement dit, le soft power, occupe également une place essentielle.

Les Jeux sont donc extrêmement importants puisqu’ils permettent de véhiculer la projection

internationale que l’on souhaite. Le nombre de médailles olympiques remportées est vu comme un indicateur de la capacité d’un pays à entraîner ses athlètes pour les placer en tant que leaders

mondiaux, afin de promouvoir une image positive du pays et d’accroître son prestige. De plus, «

l’idée olympique de l’ère moderne symbolise une guerre mondiale, qui ne montre pas son caractère militaire ouvertement, mais qui donne – à ceux qui savent lire les statistiques sportives – un aperçu suffisant de la hiérarchie des nations … » (citation d’un journal sportif allemand de 1913).

Comme nous pouvons le constater, la Chine est en train de renforcer sa position pour prendre la première place, déjà convoitée lors des JO de Tokyo en 2020, face aux États-Unis. La France a également saisi l’enjeu et se situe actuellement en quatrème position, derrière ces deux superpuissances et l’île-continent qu’est l’Australie. La diplomatie sportive française a donc évolué vers une diplomatie globale, afin de soutenir le sport français sur la scène internationale et de l’instrumentaliser à des fins de politique étrangère.

En tant que pays hôte, le soft power de la France se distingue non seulement par ses victoires et l’organisation de l’événement, mais surtout par la cérémonie d’ouverture, puisque c’est l’occasion pour les autorités politiques du pays d’accueil de montrer sa grandeur, sa profondeur historique. Le pouvoir politique est omniprésent à cette occasion.

Il s’est dévoilée en parcourant toute la ville de Paris avec la Seine comme fil conducteur et avec une flamme olympique qui a clôturé la nuit en survolant la ville, ce qui a permis aux médias de capturer, l’incroyable paysage parisien. Une démarche inédite et pleine de symbolisme pour mettre en avant sa diversité et tirer parti de la scène puissante de Paris en tant que symbole de la grandeur française.

Les JO se transforment par conséquent en un terrain politique, culturel et économique, favorisant la diplomatie culturelle et la propagation de valeurs chères à la France. Par exemple, ces Jeux olympiques sont les premiers à avoir mis en place des quotas de genre dans la classification des athlètes et développé une grande écoresponsabilité.

En revanche, depuis avril 2023 et dans cette perspective de gommer une réalité dérangeante, 5 200 migrants ont été transférés de Paris vers d’autres régions françaises pour être accueillis temporairement.

D’un autre côté, la France se retrouve dans une ère où certains la considèrent comme le symbole du déclin européen, en quête d’une nouvelle identité. Par conséquent, de nombreuses interrogations traversent l’esprit, notamment concernant la pertinence du timing des Jeux olympiques et l’efficacité de la cérémonie à illustrer la grandeur de la France à l’échelle internationale.

Néanmoins, ce qui ne fait aucun doute, c’est qu’elle a réussi à attirer l’attention en sortant du

conventionnel, fière de ce qu’elle est et en luttant contre les événements météorologiques. 86% des Français ont considéré l’inauguration comme étant réussie, malgré les polémiques et critiques internationales de certaines scènes. De plus, d’après plusieurs sondages, le Président de la République Emmanuel Macron, et surtout le Premier ministre Gabriel Attal, semblent bénéficier d’une légère amélioration dans l’opinion grâce à ces Jeux, instrumentalisés pour susciter un sentiment de fierté national toujours bénéfique à ceux qui exercent le pouvoir.

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