Il ne reste plus que trois prétendants à la Direction de Sciences-Po. Les deux conseils de gouvernance se prononceront à l’issue d’un vote les 19 et 20 septembre. L’élection de Luis Vassy, outrageusement soutenu par le pouvoir politique semble acquise.
Formellement, ils sont, néanmoins, encore trois à pouvoir espérer prendre la direction de L’IEP de Paris :
Deux sont des universitaires :
Arancha Gonzalez, doyenne de l’École des affaires internationales de Paris à Sciences Po et ancienne ministre espagnole des Affaires étrangères.
Rostane Mehdi, directeur de Sciences Po Aix, agrégé de Droit.
Mais, sauf, surprise, c’est bien le troisième candidat, Luis Vassy, qui sera adoubé, reproduisant par-là exactement le même schéma que celui ayant prévalu pour son prédécesseur, Mathias Vicherat, démissionnaire et démissionné.
En effet, Vicherat et Vassy présentent des similarités : issus de la même promotion de l’ENA qu’Emmanuel Macron, leurs affinités partisanes sont connues et identiques. Ni l’un, ni l’autre ne disposaient d’un parcours préalable au sein du monde universitaire. On ne change pas un système qui perd ! ( Emmanuel Macron : Piètre DRH mais bon camarade | Geopolitics.fr)
En effet, si Le parcours de l’étudiant Luis Vassy est brillant, diplômé de l’Ecole normale supérieure de Cachan (économie), de l’IEP de Paris, ancien élève de l’École nationale d’administration, on y trouve néanmoins peu d’éléments légitimant son accession à la tête de l’IEP de Paris.
Luis Vassy est avant tout un homme de Cabinet plus qu’un dirigeant charismatique. Il n’est pas seulement un ami politique d’Emmanuel Macron. De par les fonctions successives qu’il a occupées (conseiller diplomatique-adjoint puis conseiller diplomatique de Jean-Yves Le Drian à la Défense, Directeur-adjoint du Cabinet du même Le Drian au Quai d’Orsay puis directeur de Cabinet des ministres Colonna et Séjourné), nul mieux que lui n’incarne la continuité diplomatique de François Hollande à Emmanuel Macron. Une continuité dans le déclin de la diplomatie française, son alignement inconditionnel sur les Etats-Unis, l’OTAN et Israël de Netanyahou.
L’intéressé eut à gérer la Fronde des Ambassadeurs en poste dans le monde arabe (révélée par Georges Malbrunot Conflit Israël-Hamas: des ambassadeurs au Moyen-Orient manifestent leur inquiétude (lefigaro.fr), en novembre 2023. Ces derniers dénonçaient la rupture d’équilibre de la diplomatie française au Proche-Orient et l’alignement sur le gouvernement Netanyahou. Comme l’envisageaient les auteurs de la missive, cette ligne diplomatique provoqua une perte de crédibilité et de sympathie marquées de la France auprès des pays arabes.
Ces ambassadeurs qui ne pensaient qu’à sauver l’influence de la France et à être fidèles à sa tradition diplomatique furent sévèrement admonestés lors d’une visio-conférence par Catherine Colonna et, surtout, son Directeur de Cabinet, Luis Vassy, bien moins expérimenté que nombre d’entre eux. L’intéressé a une fâcheuse tendance à confondre, parfois, autorité et autoritarisme.
Certains virent leur carrière dévier de la trajectoire normale ou promise. La direction ANMO (Afrique du Nord et Moyen-Orient), autrefois fer de lance de la « politique arabe » de la France et comptant les meilleurs experts de la zone est désormais sous-tutelle étroite, sommée de s’adapter au revirement diplomatique décidé par les néo-conservateurs de gauche. (Cette gauche néoconservatrice qui a ruiné la diplomatie française | Geopolitics.fr).
Luis Vassy compte à son actif un seul poste d’Ambassadeur, obtenu à un âge inhabituel, (39 ans), à la Haye. Son passage ne laissa pas un souvenir impérissable. Dans l’après-COVID, il se fit remarquer davantage par sa gestion des relations publiques, plus que par ses qualités humaines. « Imbus de lui-même », « considérant que la France fait toujours mieux que les autres », « Macron boy », il eut du mal à endosser le costume de ses prédécesseurs et à incarner avec prestance la fonction.
Candidat, un temps, à la fonction de Représentant Permanent de la France aux Nations-Unies, un poste généralement confié à des diplomates bien plus chevronnés, l’intéressé s’est in fine rabattu sur Sciences-Po, son second choix.
C’est donc une personnalité qui n’a jamais exercé de fonction d’encadrement au-delà d’une vingtaine de personnes qui s’apprête à être propulsé à la tête d’un établissement qui compte 1200 salariés, hors corps professoral.
Comment sera-reçu ce néoconservateur de gauche, aligné sur les positions israéliennes dans une école où le droit international n’est pas méprisé et la cause palestinienne trouve un large écho ?
Il est certain que des trois candidats encore en lice, Luis Vassy est celui qui coche, a priori, le moins de cases. Voilà longtemps que Sciences Po n’a pas eu d’universitaire à sa tête et que la proximité politique tient lieu de légitimité. Une surprise, la désignation d’un des deux autres candidats serait gage de sérénité retrouvée pour cette Ecole en convalescence !