Dans un article précédent (La nomination quasi-acquise de Luis Vassy à la tête de Sciences-Po, une nouvelle bourde politique ? | Geopolitics.fr) était évoquée la candidature de Luis Vassy à la Direction de Sciences-Po. Favori, soutenu par la macronie, il est ultra-favori.
Alors que le vote désignant le nouveau directeur de Sciences-Po aura lieu jeudi et vendredi prochains, deux candidats moins soutenus par le pouvoir politique, (mais est-ce un handicap si l’on considère que des établissements tels que Sciences-Po doivent échapper aux contingences politiciennes ?) demeurent en lice.
- Mehdi Rostame, directeur de l’IEP d’Aix en Provence, agrégé de Droit Public.
- Arancha Gonzalez, doyenne de l’École des affaires internationales de Sciences- Po.
Mehdi Rostane a pris la direction de l’IEP d’Aix, en 2015, alors que l’établissement était en pleine crise. En effet, en 2014 , l’IEP d’Aix avait traversé une forte turbulence suite à la mise en cause de son précédent directeur, pour « commercialisation, notamment dans des établissements privés étrangers, de formations et de faux diplômes”. Le nouveau directeur su ramener de la sérénité. Son aptitude à la gestion de crise est indéniable. Rostane Mehdi a remis l’IEP d’Aix sur de bons rails. Son sens du dialogue est très apprécié tout comme sa capacité à fédérer. Deux qualités qui semblent primordiales pour sortir l’IEP de Paris de la tourmente.
L’autre outsider est Arancha Gonzalez qui dispose d’un profil à la fois politique et de haut-fonctionnaire. Arrivée à Sciences-Po à la suite d’Enrico Letta, l’intéressée est déjà en place en tant que directrice des relations internationales. Une continuité qui est la fois un atout pour la connaissance interne de la maison mais aussi un handicap tant du « sang neuf » paraît nécessaire. Ayant exercé des fonctions de au haut-niveau (ministre des Affaires étrangères espagnole 2020-2021) et des fonctions d’encadrement supérieur : à la Commission Européenne, aux Nations-Unies et à l’OMC (elle fut directrice de Cabinet de Pascal Lamy), son projet pour l’établissement semble avoir recueilli un avis mitigé.
Depuis le départ d’Alain Lancelot, à la tête de l’institution jusqu’en 1996, l’IEP de Paris a été considéré comme un hochet doré donné à des amis politiques. La cohorte de directeurs qui se sont succédés a semblé davantage soucieuse d’imprimer une marque personnelle et en faire un tremplin pour se construire un avenir (voir un destin) plus qu’assurer la pérennité dans l’excellence de l’Institution.
Sciences-Po n’est pas une école de commerce. On y enseigne le Droit, l’Histoire, les relations internationales, l’économie. On y forge des libres-penseurs, disposant d’une culture générale dont le savoir n’est pas directement et immédiatement monnayable. Il est remarquable de constater que parmi les hommes et femmes politiques ceux qui ne sont pas passés par Sciences-Po (tout en sortant brillamment du classement de l’ENA) souffrent d’un défaut de culture historique et d’enracinement.
Le côté délibérément disruptif pour marquer de son empreinte son passage à la tête de l’établissement, les gadgets ne sont plus forcément les bienvenus. Solidité, excellence, sérieux, sens du dialogue social, aptitude à la négociation, capacité managériale, qualités humaines et modestie sont les qualités qui paraissent les plus essentielles à cet établissement aujourd’hui.
Les dés semblent lancés et quelque peu pipés. Mais un sursaut d’indépendance et de résistance à l’ingérence politique ne sont pas à exclure !
