Le Président Macky Sall s’est mis en retrait de la fonction internationale prestigieuse qu’Emmanuel Macron lui avait confiée, celle d’envoyé spécial pour le Pacte de Paris pour les peuples et la planète, juste après avoir quitté le pouvoir le 02 avril dernier. Il a « renoncé », le 8 octobre, aux apparats pour défendre son bilan et ses idées et être ainsi à l’abri de tout conflit d’intérêt. Une prise de décision assez rare dans le monde politique où, hélas, les honneurs ont pris plus d’importance que les idées.
Un président qui a porté haut la voix du Sénégal et de l’Afrique à l’international.
Dans un entretien avec DakarActu, le conseiller principal aux affaires internationales s’est exprimé sur la situation politique au Sénégal et le « retour de Macky » dans la scène politique. Erwan Davoux, dans un premier temps, indique que la voix de Macky Sall est respectée et appréciée sur la scène internationale. « Il faut se rappeler que dans le conflit russo-ukrainien, le chef de l’État, Macky Sall, avait clairement déclaré que l’Afrique n’avait pas à s’engager en faveur de l’une des deux parties, car il ne s’agissait pas d’une guerre africaine, même si le continent en subissait les conséquences négatives. » Pour les atténuer, il s’est engagé en faveur d’une exception sur les produits alimentaires dans les sanctions imposées contre la Russie. Cette démarche a abouti à la levée du blocus sur les stocks des céréales d’Ukraine à destination de l’Afrique. » Quant à l’autre conflit, notamment celui du Proche-Orient, Davoux parle de la hiérarchisation des vies humaines et des violations permanentes du droit international et du droit humanitaire qui sont insupportables.
Ainsi, a-t-il ajouté, sous Macky Sall, le Sénégal a pesé dans les grandes affaires du monde. Il suffit juste, selon lui, de se rappeler notamment de son rôle primordial dans la crise postélectorale gambienne en 2017 pour faire respecter le choix démocratique. Sur le plan international, également, il s’est affiché comme un grand défenseur des intérêts africains, avec succès. Nommé à la tête de la CEDEAO au cours de son premier mandat, Erwan Davoux reconnaît cette défense de la position selon laquelle « l’intégration économique était un impératif pour le continent ».
Dans cette première intervention dans cet entretien, l’ancien candidat aux législatives françaises estime que le président Macky Sall a porté la cause de l’entrée de l’un des 54 États africains comme membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies ou de l’Union africaine au G20. Il notera aussi, dans le bilan de celui-ci, que l’UA a fini par adhérer au G20 comme membre permanent. « Il faut souligner que nombreux sont les observateurs qui considèrent que Macky Sall a fait rayonner la diplomatie sénégalaise. »
Le Plan Sénégal émergent, les grandes infrastructures et le désenclavement…
L’autre domaine qui aura marqué les esprits dans le bilan de l’ancien président fut le Plan Sénégal émergent (PSE) visant à conduire le Sénégal sur la voie de l’émergence à l’horizon 2035. « L’objectif est d’autant plus crédible que le Sénégal est devenu, récemment, producteur de gaz et de pétrole. » Néanmoins, il reste à éviter la malédiction de l’« économie de rente ». En effet, un risque de dépendance peut rapidement se développer en l’absence de diversification et de confiance des investisseurs internationaux.
Les grands projets d’infrastructure et d’équité territoriale ont marqué les présidences de Macky Sall. En témoigne, le doublement de la puissance électrique du Sénégal en 7 ans ou les 30 % d’énergie renouvelable dans son mix énergétique, a soutenu Davoux, signalant d’ailleurs que l’une de ses grandes réalisations reste également la nouvelle ville de Diaminadio, qui promet d’être un pôle économique majeur. Elle revêt, selon lui, une importance stratégique puisque l’industrie pharmaceutique du Sénégal y sera localisée.
Sur le plan des infrastructures routières, Macky Sall a fait construire le chemin de fer pour le Train express régional (TER), reliant Dakar à la ville de Diaminadio puis à l’aéroport international Blaise Diagne, passant par plusieurs banlieues. Il a aussi inauguré le Bus Rapid Transit (BRT) pour désengorger la capitale. À Dakar, mais surtout à l’intérieur du pays, sous Macky Sall, beaucoup de routes sont sorties de terre, facilitant ainsi l’échange des biens et services. C’était l’une de ses priorités. En effet, alors qu’il se préparait à être candidat à la Présidentielle, Macky Sall avait sillonné son pays, y compris les endroits les plus reculés, et avait mesuré l’ampleur de la tâche à réaliser. Dans les zones rurales les plus reculées, des villages jadis privés d’eau et d’électricité ont eu accès à ces services grâce à ces programmes. Le taux d’électrification rurale au Sénégal est passé de 27 à 58 %.
Bien évidemment, l’enjeu principal est que ses acquis bénéficient au plus grand nombre, de mieux distribuer les richesses. Mais avant de les distribuer, il faut les produire.
Un combat politique à distance pour préserver les acquis et les enjeux des législatives
L’ancien président a donc, récemment, remis les mains dans le Cambouis et pris la tête de la coalition Takku Wallu Sénégal. ». Un combat qu’il va mener à distance, selon le conseiller principal aux affaires internationales. « Macky Sall ne se rendra pas au Sénégal. Il va respecter une tradition : les anciens chefs de l’État sénégalais ont toujours choisi de s’éloigner de leur pays, temporairement, à la fin de leur mandat. Les prédécesseurs de Macky Sall avaient choisi la France : lui a opté pour le Maroc et de rester ainsi sur le continent africain. » Néanmoins, « l’absent le plus présent du Sénégal » exercera, dit-il, « un magistère moral puissant sur la campagne ». Quels peuvent être les enjeux le concernant ?
Tout d’abord, pour éviter que ses partisans n’aient pas la tentation de la dispersion en l’absence du chef, d’autant qu’il n’y pas d’héritier. Amadou Ba semble prendre ses distances après sa défaite aux législatives.
Plus que tout, l’enjeu pour l’opposition semble être de ne pas donner les pleins pouvoirs au Pastef. « En effet, l’ancien Président a dû composer avec une majorité fragile qui ne permet pas tout et qui contraint à des compromis. » Tandis qu’une force politique qui parviendrait à réunir plus de 3/5eme des députés pourrait quasiment faire tout ce que bon lui semble, notamment modifier profondément la Constitution. Avec tous les risques que cela comporte… » D’après notre interviewé, la démocratie suppose des contrepouvoirs pour fonctionner de la meilleure manière. « Donner tous les pouvoirs à un seul, c’est prendre un grand risque ». En France, le peuple français a souvent choisi de confier la Présidence à une personnalité d’une famille politique et la majorité à l’Assemblée nationale à un autre camp. C’est la cohabitation qui permet un certain équilibre. « Au Président le rôle d’arbitre et de veiller aux intérêts supérieurs de la nation, au Premier ministre celui de conduire l’action quotidienne », a-t-il indiqué.
À en croire Erwan Davoux, « nul n’est prophète en son pays » et chacun a tendance à surestimer les aspects négatifs en interne quand l’étranger nous considère comme enviables. C’est vrai pour les Français comme pour les Sénégalais. « Chacun aspire à la perfection et à toujours mieux dans le changement ». Or, vu d’un peu plus loin, le Sénégal est demeuré ce pays où les échéances électorales sont respectées, les mandats non prolongés, les élections sincères. C’est indiscutablement une exception, alors que dans la région certains sont au pouvoir depuis plusieurs décennies. Le Sénégal demeure un pays d’exception, démocratique, stable et orienté vers l’avenir. Espérons qu’il le demeure… », conclut Erwan Davoux.