Elisabeth Borne a donc jeté l’éponge. Elle ne sera pas candidate à la direction d’un parti en pleine déconfiture. Cette formation sera-t-elle un atout dans la campagne présidentielle qui débute ?
Rien n’est moins certain. 2027 ne sera pas seulement l’après-macronisme qui est déjà largement entamé, mais un concours de prise de distance, un changement sans continuité. Certains, les plus lucides, considèrent qu’il faut se débarrasser de l’héritage mais sans droit d’inventaire, les héritiers renonçant aisément et complètement à leurs droits.
Emmanuel Macron : le pire président de la Vème République
Selon un sondage réalisé sur X/Twitter le 21 août dernier(@erwandavoux), auprès d’un échantillon non représentatif mais qui a donné lieu à 6005 votes, Emmanuel Macron apparaît comme le pire des trois derniers présidents de la République pour 78% des votants, suivi par François Hollande 14% et enfin Nicolas Sarkozy 9%. Le constat est là. Emmanuel Macron aura failli dans les trois missions essentielles qui sont celles d’un Président sous la Vème République dans sa conception gaullienne :
- Etre le garant des Institutions et les faire respecter. Dès juin 2022, il fit comme si de rien n’était et malgré une majorité toute relative, il confirma Elisabeth Borne à Matignon, sans tenir compte, le moins du monde du message adressé par les électeurs. La dissolution cataclysmique de juin 2024 aura abouti à ce qui semblait totalement impossible avec un scrutin majoritaire : la paralysie de l’Assemblée Nationale. Une latence toujours plus longue dans les changements de gouvernement, notamment entre Elisabeth Borne et Gabriel Attal, par pure convenance personnelle. Une équipe d’intérimaires pendant des mois suivie d’un gouvernement qui ne situe pas au centre de gravité du choix des Français. La désacralisation de la fonction présidentielle, entamée par ses deux prédécesseurs, poussée à son paroxysme. Emmanuel Macron aura passé son temps à malmener les Institutions, au point de se demander si la Vème République lui survivra. N’est-elle pas faite pour des hommes d’exception ? Nous en sommes loin, très loin…
- Incarner la France dans sa diversité. Or Emmanuel n’aura été que le président des « très riche » mais aussi d’une France urbaine, très éloignée des territoires et du terroir. Un Président qui aura dangereusement joué avec la laïcité donnant le sentiment qu’il tentait de récupérer deux religions pour en mettre une autre dans le collimateur. Il n’aura jamais été le Président de tous les Français.
- Conduire une politique étrangère et de défense à la hauteur de la tradition française de relative indépendance. Au-delà des innombrables bourdes diplomatiques, des comportements déplacés (notamment en Afrique) et de l’inconstance, il existe un problème structurel majeur : la dette française détenue à plus de 50% par des Fonds souverains étrangers. « Faites-moi de bonne finances et je vous ferai une grande politique ! ». La France a perdu sa crédibilité et renoncé à souveraineté. Elle a fait montre d’un alignement inconditionnel sur les Etats-Unis, l’OTAN, Bruxelles et Israël. La préférence donnée à Hewlett-Packard plutôt qu’à Atos, récemment, pour les supercalculateurs de nos armées témoigne de ce suicide national (cas loin d’être isolé). Il ne s’agit plus de déclin ou de déclassement mais bel et bien d’un effacement, d’une quasi-disparition de la souveraineté et la puissance françaises.
Des anciens premiers ministres qui ne cessent de tenter de mettre en scène leur rupture
Dans ces conditions comment s’étonner que Gabriel Attal, Edouard Philippe et Elisabeth Borne veuillent se dépêtrer de cette glue macroniste ? La seule différence des trois anciens premiers ministres d’Emmanuel Macron réside dans leurs stratégies respectives. Tous trois ont le sentiment d’avoir été chassés de Matignon, congédiés comme de vulgaires manants par un Prince qui laisse trop souvent son bon plaisir le guider au détriment de l’intérêt général.
Gabriel Attal, le choix ultra-classique de s’appuyer sur un parti politique
Gabriel Attal a fait le choix d’un vieux, très vieux schéma. Il considère qu’être à la tête d’un parti politique est un prérequis. Fait-il un choix judicieux ? Probablement pas. « Renaissance » est un Titanic devenu un canot qui prend l’eau. 8500 adhérents, c’est quasiment indécent pour un parti présidentiel. Pour mémoire l’UMP, sous Nicolas Sarkozy comptait plus de 300 000 adhérents et le PS n’est jamais tombé en deçà de quelques dizaines de milliers d’adhérents
Qui sont ces adhérents ? Probablement les « très riches » évoqués par François Hollande et les personnes âgées plus en situation de faire les démarches nécessaires à la perte de la qualité d’adhérents. En effet, Il est d’usage dans les partis politiques, qui sont de plus en plus désertés, de conserver cette qualité durant trois années, sans payer la moindre cotisation. Une coquille vide, sans ligne politique, sans ancrage territorial, sans élan et l’on croit rêver lorsque l’on entend Elisabeth Borne déclarer que « Renaissance » doit redonner de l’espoir à nos concitoyens ». Le décalage entre les propos des politiques et le ressenti des Français n’aura jamais été aussi profond. Sauf à l’aube des révolutions.
Elisabeth Borne renonce à une candidature présidentielle
L’ancienne Première ministre avait fait le même choix initial que Gabriel Attal, celui de prendre le parti. Mais sa défaite étant annoncée et sa candidature à la présidentielle fortement hypothéquée, la raison l’a emporté. Son rôle sera de tenter de peser sur l’élection présidentielle, sans être candidate.
Edouard Philippe, une stratégie défensive et un mauvais timing qui seront de lourds handicaps.
Reste Edouard Philippe, le premier des trois à avoir fait acte de candidature à la présidentielle. Sa solidité à Matignon, dans la tempête, son antériorité par rapport à ses successeurs auraient pu en faire le candidat qui écrase tout. Tel n’est pas le cas. Sa rupture franche avec Emmanuel Macron est intervenue trop tardivement et à un moment inopportun. Quitter un navire qui prend l’eau de toute part, sans divergence idéologique majeure ne renforce pas la crédibilité.
Edouard Philippe avait la possibilité de capter l’héritage gaullo-chiraquien, de marquer une claire différence, en politique étrangère notamment. Il ne le fit pas. Pour quelles raisons ? Pour des raisons de fond peut-être. Issu de l’UMP mais pas du RPR, Il fut l’un de ceux qui contribuèrent, avec Gilles Boyer, à donner une image centriste à Alain Juppé et donc à précipiter sa défaite dans une primaire de la droite. Les erreurs expliquant la défaite d’Alain Juppé semblent être de nouveaux à l’œuvre : une stratégie défensive se résumant à gérer une avance présumée dans l’opinion. Il est assez rare que les équipes de football menant 1-0 et se contentant de défendre ne prennent pas un but à la fin du temps réglementaire. Le semi- réveil d’Edouard Philippe est celui d’une personnalité qui avait toutes les clés en mains et qui a laissé l’outsider, Gabriel Attal, le dépasser.
Les élections européennes, les petits calculs politiciens, ne sont probablement pas complètement étrangers à ce gâchis. Choisissant de jouer le rassemblement et l’union avec les macronistes pour sauver les places de quelques proches (Gilles Boyer, Nathalie Loiseau) plutôt que le panache de la rupture, Edouard Philippe va devoir trouver des ressources immenses s’il veut rester dans la course.
La prochaine élection présidentielle sera une rupture très franche avec le macronisme. Du passé, les Français souhaiteront faire table rase. Avoir participé aux premières loges à l’action de l’actuel président sera un handicap quasi-rédhibitoire. Le moins mal loti des anciens Premiers ministres est, peut-être, Jean Castex qui se tient éloigné de débats publics forts dégradés et dont la simplicité contraste avec le reste de la classe politique. Le camp présidentiel est en lambeaux; la droite sans leader, compromise par une alliance idéologique avec le Rassemblement Nationale et tactique avec la Macronie, semble hors-jeu. Jean-Luc Mélenchon de plus en plus clivant et la gauche cassée en deux. La porte semble grande ouverte à Marine Le Pen.