Le chef d’état-major des armées de l’air et de l’espace Jérôme Bellanger, a exprimé son inquiétude mercredi 20 novembre dernier à l’AFP, face à la pénurie à venir d’avions de chasse de la flotte française.
Pas moins de trois avions Rafale par mois à produire minimum pour rattraper le retard ! Lors d’une rencontre organisée par l’Association des journalistes de défense ce mercredi 20 novembre, le chef d’état-major Jérôme Bellanger n’a pas caché son angoisse : « Nous allons vers un déficit d’armement criant si nous ne corrigeons pas le tir ». Doux euphémisme s’agissant de tir. Sans conteste, la raison en est limpide : cette situation découle de notre aide militaire fournie à l’Ukraine depuis quelques mois.
En effet en juin dernier, Emmanuel Macron avait annoncé la suspension de nos livraisons d’avions de chasse au profit des livraisons ukrainiennes. Qui va à la chasse…
Sur le sacro-saint autel sacrificiel jusqu’alors parfaitement assumé par le gouvernement et les précédents, l’état des stock inquiète inévitablement le secteur, plus rationnel lui : « Forcément, cela percute un peu le format de l’aviation de chasse. Le ministère l’a très bien compris et on a regardé comment on pouvait pallier cette cession », a alors indiqué Jérôme Bellanger.
Dassault Aviation pris a ses propres impératifs économiques
En réponse, le ministère des Armées, non sans une certaine pression de la très sérieuse DGA (NLDR : Direction générale de l’armement), propose une accélération de production du fleuron tricolore, mais cela risque d’être difficile à mettre en œuvre, compte tenu de l’état de chaine industrielle et logistique sous-traitante. Le groupe Dassault Aviation est certes un constructeur aéronautique français longtemps reconnu dans le monde entier, qui dispose en outre d’un carnet de commandes bien rempli. Et la France n’est pas toujours prioritaire, modèle économique oblige. Pour l’exemple l’an dernier, 63% de ses avions produits par l’avionneur partaient à l’étranger.
Alors demander à l’entreprise aujourd’hui de changer sa stratégie de vente, produire plus sans nécessairement gagner plus, et compromettre la qualité de ses avions semble relever d’une méconnaissance de cette industrie particulière, caractérisant parfaitement la politique de défense de ces dernières années. Parce que la question du financement est aussi au centre des discussions : accélérer la production signifie dans le même temps augmenter les coûts de production, notamment en termes de main d’œuvre ultra qualifiée. Pour avoir un ordre d’idée, le coût de revient unitaire d’un Rafale est estimé à 80 millions d’euros minimum. Et encore faut-il le rappeler, la chaine de sous-traitance de fabrication d’un avion est complexe, Dassault ne fabriquant pas en « interne » de nombreux éléments électroniques ou bien encore de métaux d’alliages nécessaires.
Et Dassault Aviation doit aussi honorer ses différents engagements auprès des pays étrangers, tout simplement pour ne pas froisser ses différents partenaires commerciaux et créer ainsi de nouvelles crises diplomatiques, qui occupent déjà bien assez le Quai d’Orsay !
Différentes pistes à l’instar du fameux « Quoi qu’il en coûte »
Beaucoup d’obstacles sont encore à franchir pour les forces armées françaises avant de profiter d’un réarmement massif, politique oblige. Mais le ministère des Armées tente d’avancer quelques pistes plus ou moins réalisables, comme d’augmenter tout simplement de « manière temporaire » la capacité de production du groupe Dassault. Autrement dit, embaucher plus. Mais embaucher qui ? Combien de temps et à quel coût ?
Au registre de la realpolitik, l’État met aussi sur la table des discussions « la possibilité de prioriser la France », encore une fois temporairement, afin d’éviter la pénurie. Puis la « possibilité d’utiliser des Rafale déjà produits, en simplifiant la procédure de mise en route ». Comprendra qui veut, ou du moins, qui peut comprendre.
Prendre des décisions si hautement stratégiques et équilibrées en évitant de froisser les clients de Dassault Aviation d’une part, tout en garantissant des livraisons plus rapides d’autre part…
Là est l’équation pour l’heure bien discrète, alors que le gouvernement Barnier fraichement au affaires vacille déjà.