L’Europe est-elle prête à faire face à une guerre ?

par David OSORIO
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Contre toute attente, l’administration sortante de Joe Biden a opéré un revirement surprenant en matière de politique étrangère à l’égard de l’Ukraine, en autorisant Kiev, le 9 novembre, à utiliser ses missiles à longue portée sur cibles russes. Ce qui est suspect dans cette décision, près de deux mois avant le transfert du pouvoir au président élu Donald Trump, c’est qu’elle contraste avec la position de Washington, qui avait auparavant rejeté cette option en raison du risque d’une escalade qui mettrait les États-Unis et leurs autres partenaires de l’OTAN en conflit direct avec Moscou.

Quelles sont les motivations de l’Administration Biden sortante ?

Peut-être certains analystes pourraient-ils estimer qu’il s’agit d’une nouvelle gaffe de l’administration Biden finissante. Mais elle pourrait constituer une stratégie dangereuse qui, dans un éventuel scénario de guerre avec la Russie, lui permettrait d’invoquer la loi Marshall pour retarder le transfert de pouvoir à Trump. Nous faisons cette considération au vu du peu d’informations fournies par la Maison Blanche sur cette décision soudaine prise unilatéralement et à l’insu de l’OTAN.

Nous ne pensons pas non plus qu’il soit réaliste que ces attaques puissent avoir un caractère dissuasif face aux progrès accélérés de la Russie dans un futur cycle de négociations. Au contraire, cela donne à Poutine suffisamment de raisons politiques pour répondre en légitime défense non seulement à ces attaques mais aussi d’observer que les partenaires européens des États-Unis cautionnent ce genre de provocation dans une passivité diplomatique totale, qui peut être considérée par le Kremlin comme « casus belli ».

Les conséquences n’ont pas tardé à arriver

Poutine avait déjà prévenu que si l’Occident acceptait d’autoriser des frappes contre la Russie avec ses missiles à longue portée, cela changerait « l’essence » et « la nature » du conflit en Ukraine. « Cela signifiera que les pays de l’OTAN, les États-Unis et les États européens se battent avec la Russie », a déclaré Poutine le 13 septembre. Mais Zelensky continue de sous-estimer Poutine en répondant que « les missiles parleront d’eux-mêmes » après avoir reçu l’autorisation de Washington de mener des frappes avec des missiles AtacMS fabriqués aux États-Unis. En conséquence, la réponse de Moscou a été de lancer le missile balistique intercontinental de dernière génération « Oreshnik » sur la ville ukrainienne de Dnipro, qui aurait pu transporter une ogive nucléaire. En effet, Vladimir Poutine a réitéré sa menace d’attaquer directement les pays qui autorisent l’Ukraine à utiliser ses missiles contre la Russie. Il serait donc naïf de penser que Poutine aurait été intimidé et qu’il pourrait renoncer à ses projets de gagner cette guerre contre l’Ukraine et ainsi avancer vers un processus expansionniste visant à récupérer d’autres États ex-soviétiques.

L’UE, un rôle contestable et irresponsable face à l’Histoire

Le représentant de l’UE aux Affaires étrangères, Joseph Borrell, a condamné la décision de Poutine de réduire les conditions internes de la Russie pour le lancement d’armes nucléaires. Ce changement de doctrine indique que la Russie peut considérer toute attaque conventionnelle soutenue par une puissance nucléaire comme une menace directe, justifiant potentiellement une réponse nucléaire. Mais le problème de la diplomatie européenne ne réside pas seulement son inertie, mais la perte de leadership accentuée par une caste bureaucratique/aristocratique qui sous-estime les intentions de Poutine et de ses alliés autoritaires dans toutes les régions du monde.

C’est ce qu’a démontré le récent sommet des BRICS, qui ne visait manifestement pas à signer des accords majeurs, mais à aborder deux questions essentielles : l’engagement et la loyauté politique de ses membres à l’égard de la Russie et l’adhésion formelle de nouveaux membres : L’Egypte, l’Ethiopie, l’Iran et les Emirats Arabes. Le Venezuela était absent, bloqué par la non-reconnaissance par le Brésil de Maduro en tant que président élu. Le manque de perspicacité politique de l’Europe ne lui permet pas de comprendre que les objectifs de la Russie vont au-delà de la guerre en Ukraine. Avec ses partenaires des BRICS, la Russie représente l’alliance anti-occidentale la plus dangereuse qui ait jamais existé, non seulement contre une conception culturelle et civilisatrice du monde, mais aussi contre l’État de droit international et les entités démocratiques qui le composent.

Existe-t-il vraiment un embryon de diplomatie européenne ?

Borrell, qui ne restera pas dans les mémoires pour son audace politique et encore moins pour sa qualification au poste qu’il occupe, sera, avec Jens Stoltenberg, ancien secrétaire général de l’OTAN, et son successeur Mark Rutte, les principaux responsables de ce qui pourrait arriver en Europe, étant donné que l’Union européenne n’a même pas été capable de trouver un consensus minimal sur la position qu’elle devrait adopter vis-à-vis de la Russie. Les dirigeants de l’UE restent prisonniers de la logique des partis européistes, qui les empêche de sortir de leur zone de confort, mais qui, dans l’exercice de leur praxis politique, sont décadents et inefficaces pour résoudre communautairement la question de savoir comment protéger l’Europe après la victoire de la Russie en Ukraine. La conclusion de cette tribune d’opinion est très simple : l’Europe a beaucoup plus à perdre que la Russie dans cette guerre en Ukraine, en particulier face au renforcement militaire des troupes nord-coréennes par la Russie.

Les actions de l’UE reflètent également une énorme dispersion diplomatique en matière de gestion des conflits, y compris des nuances marquées dans les positions unilatérales, ainsi que dans la transparence d’admettre que l’Ukraine ne peut pas gagner la guerre contre la Russie sans l’intervention d’autres puissances alliées. La différence réside dans la manière dont l’Europe devra faire face à cette réalité, soit par un processus de négociation-reconstruction, soit dans l’aventure irresponsable qui consisterait à entraîner le monde dans une troisième guerre mondiale. En bref, l’UE n’est pas une garantie de protection pour les Européens.

L’arrivée de Trump au pouvoir, un soulagement pour Poutine ?

Tant que l’OTAN continuera à croire que les objectifs de Poutine n’aboutiront pas, « le monde libre » sera en insécurité car cette organisation qui est un énorme fardeau financier pour les citoyens des pays membres perdra en crédibilité aux yeux de l’opinion publique. Pour ces raisons, le temps a donné raison au président Trump de critiquer vivement l’OTAN, qui exige de ses membres qu’ils investissent au moins 2 % de leur PIB dans les dépenses de défense, alors que plusieurs de ses membres ne respectent pas cet engagement. Trump a réussi à convaincre ses électeurs que dans cette guerre en Ukraine, le pays le plus touché, non européen, est les États-Unis, qui ont fourni plus de 100 milliards de dollars depuis l’invasion russe en 2022. Trump ne fait pas confiance à l’UE, car il estime que ses membres ne sont pas capables de s’entendre entre eux. Et cela s’est encore une fois manifesté avec les décisions prises unilatéralement par la Norvège, la Suède, la Finlande et même l’Allemagne, qui ont commencé à préparer leurs populations et de rouvrir leurs bunkers face une éventuelle guerre.

Contrairement à ce que pensent certains experts, nous pensons que l’une des premières mesures prises par Trump dès son entrée en fonction sera de revenir sur la décision de Biden et de demander immédiatement une rencontre avec Poutine pour obtenir un cessez-le-feu, y compris la mise en place d’un canal de dialogue qui, sous son leadership et non celle de l’Union européenne, établirait une feuille de route pour mettre fin à la guerre en Ukraine. D’autre part les États-Unis, au lieu de renforcer la capacité militaire de l’Ukraine, réorienteraient leur aide financière vers sa reconstruction et négocient avec Zelensky une cessation des hostilités à des conditions à définir dans l’intérêt de la paix de l’Europe et du reste du monde. Cela permettrait d’exiger le retrait des troupes nord-coréennes du territoire européen et de reprendre les axes de travail définis avec Kim Jong-un en 2019.  L’autre grande difficulté de l’UE, et Trump le sait, est la situation interne de ses deux principaux membres : la France et l’Allemagne, qui traversent des crises politiques majeures et des problèmes économiques qui, ajoutés à la perte de popularité de leurs gouvernements respectifs, ont été assiégés par la montée de la droite la plus conservatrice, qui en est venu à remettre en question l’existence même du bloc européen en raison de son inefficacité.

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