Premier voyage dans l’UE du chef de la diplomatie russe depuis le conflit en l’Ukraine

par Olivier DELAGARDE
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Le ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov, était présent ce jeudi à Malte, où se trouvait également son homologue ukrainien. Fait marquant alors qu’il s’agissait de sa première visite dans un pays de l’Union européenne depuis le début de la guerre en Ukraine en février 2022. Les deux hommes participent à une réunion de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe.

Une première depuis près de trois ans pour un dignitaire du Kremlin. Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov est arrivé à Malte ce jeudi 5 décembre, où il a effectué sa première visite dans un pays de l’UE depuis le début du conflit sanglant en Ukraine, déclenché le 24 février 2022.

Son homologue ukrainien lui aussi, s’est rendu sur place encouragé par le représentant US Antony Blinken. Mais si le secrétaire d’État américain a bien assisté à la réunion de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) organisée à Ta’Qali, aucune rencontre avec Sergueï Lavrov n’a été envisagée.

Fait notable car le diplomate russe, frappé de sanctions par l’UE, n’avait pas franchi les frontières de l’Union européenne depuis un voyage à Stockholm en décembre 2021, toujours pour une réunion de l’OSCE selon les médias russes.

Pour l’histoire, L’OSCE a été fondée en 1975 sur les fonds baptismaux d’un apaisement des tensions entre l’Est et l’Ouest durant la guerre froide. A ce jour, l’organisation internationale compte 57 membres, de la Turquie à la Mongolie, en passant par le Royaume-Uni et le Canada, ainsi que les États-Unis, l’Ukraine et la Russie.

Son objectif ? Favoriser et inciter ses membres à se coordonner sur des questions larges telles que les droits humains et le contrôle des armements. Toutefois, Moscou se montre de plus en plus critique à l’égard de de l’organisation, estimant que le groupe « s’éloigne de ses principes fondateurs ».

Un ministre russe aux avoirs gelés mais libre de ses déplacements internationaux

Lors du dernier sommet ministériel il y a un an en Macédoine du Nord, Sergueï Lavrov avait déjà accusé l’OSCE de devenir un « appendice de l’Otan et de l’UE ». En rétorque, l’Ukraine avait exhorté que la Russie soit exclue de l’organisation, préférant la politique de la chaise vide durant le sommet de Skopje, en raison de la présence du chef de la diplomatie russe.

Dès ce mercredi et semblant cette fois privilégier la voie diplomatique, Kiev avait déclaré que son ministre des Affaires étrangères Andriï Sybiga, participerait aux discussions à Malte « qui interviennent à un moment délicat pour le pays ».

Le président américain récemment élu Donald Trump, a quant à lui fait la promesse de faire pression afin qu’un accord rapide soit trouvé et qu’il soit mis fin à la guerre, tout en laissant Kiev se démener pour se positionner avant son investiture en janvier.

Quant à Antony Blinken pour mémoire, chemin faisant vers Malte après avoir effectué sa dernière visite au siège de l’Otan à Bruxelles mardi, n’avait plus rencontrer Sergueï Lavrov depuis le G20 à New Delhi, en mars 2023.

Aussi en 2022, la Pologne pays hôte de l’OSCE, avait refusé la venue de Sergueï Lavrov en l’interdisant à ses frontières, ce qui avait bien entendu provoqué la lyre du Kremlin.

Pour autant, la température ambiante de ce sommet reste proche de la congélation. Le ministre polonais des Affaires étrangères Radoslaw Sikorski, allié historique de l’Ukraine, déclarant en préalable dès mercredi « qu’il n’y aurait aucune discussion avec le chef de la diplomatie russe à Malte », tout en s’interrogeant sur « pourquoi Moscou est toujours autorisé à faire partie de l’OSCE ».

Non sans une certaine cacophonie dont les grandes organisations internationales commencent à nous habituer et plus particulièrement l’UE, le porte-parole de Malte pays hôte du sommet, a estimé que Sergueï Lavrov « faisait l’objet d’un gel des avoirs de la part de l’UE, mais qu’il n’était pas interdit de voyager et que le ministre russe des Affaires étrangères avait été invité afin de maintenir certains canaux de communication ouverts ». Fermez le banc.

Blocages à tous les étages au sein de l’OSCE, vers une mort annoncée

En signe d’avertissement dès mercredi, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Maria Zakharova déclarait que Sergueï Lavrov « profitera de l’événement pour dénoncer la crise institutionnelle de l’organisation ». Enfonçant le clou « alors qu’un certain nombre de pays occidentaux utilisaient cette plateforme pour leurs propres intérêts et que l’organisation avait été “ukrainisée” ». Ambiance de fête compromise donc.

En effet, il est évident que l’OSCE est totalement paralysée depuis le déclenchement des hostilités russo-ukrainiennes début 2022, la Russie opposant régulièrement son veto à plusieurs décisions majeures nécessitant un consensus. Ainsi, les sièges de secrétaire général et de trois autres hauts fonctionnaires sont toujours vacants depuis septembre, faute d’accord sur les candidatures. La secrétaire générale sortante l’Allemande Helga Maria Schmid, avait été nommée en décembre 2020 pour un mandat de trois ans, mais son mandat avait déjà été prorogé une fois  jusqu’en septembre.

Il semblerait toutefois que les ambassadeurs siégeant au sein de l’OSCE se soient mis d’accord en coulisses, sur la candidature du diplomate turc Feridun Sinirlioglu afin de lui succéder, rapporte l’AFP, mais cette décision doit être encore être approuvée par les ministres réunis à Malte. Ces derniers devront également se mettre d’accord sur le pays qui présidera l’OSCE pour la période de 2026 à 2027.

Déjà au registre des marasmes de l’organisation, la Russie avait empêché l’Estonie membre de l’Otan, d’assurer la présidence cette année, alors qu’en 2025 c’est la Finlande, nouvellement membre de l’alliance atlantique, qui devrait en assurer la présidence.

Enfin, il n’est pas inutile de rappeler que l’OSCE a aussi pour prérogative statutaire et diplomatique, l’envoie possible d’observateurs lors de conflits, mais aussi d’élections dans le monde entier ! En outre, cette dernière gère également des programmes visant à lutter contre la traite des êtres humains et  garantir la liberté des médias. De quoi agacer de fait le Kremlin, mais pas que.

Néanmoins, la plupart des dispositifs de prérogatives de l’OSCE ont été entravés par l’impossibilité d’un accord sur un budget viable depuis 2021 !

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