Exclusion du café et du cacao de la République Démocratique du Congo (RDC) du marché européen : une catastrophe économique pour les producteurs et le pays

par Olivier DELAGARDE
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La République démocratique du Congo (RDC) a reçu une notification de l’Union européenne (UE) l’informant que ses productions de café et de cacao seraient exclues du marché européen à partir de l’année 2025. Cette décision est liée au règlement européen « zéro déforestation », qui vise à interdire les produits agricoles issus de zones déforestées.

Avec des terres arables estimées à 80 millions d’hectares et une production déjà certifiée biologique, la République démocratique du Congo ambitionne toujours de devenir l’un des acteurs majeurs africains sur les marchés mondiaux du café et du cacao. En réaction et lors d’une conférence de presse à Kinshasa, le ministre du Commerce extérieur Julien Paluku, a rappelé les opportunités économiques que représentent ces filières ainsi que les plans du gouvernement visant à maximiser leur potentiel. « Aujourd’hui, nous produisons entre 100 000 et 200 000 tonnes de cacao par an, mais notre ambition est claire : atteindre 3 millions de tonnes d’ici à 2030 », a ainsi déclaré Julien Paluku. Selon lui, cette croissance pourrait générer jusqu’à 30 milliards de dollars de revenus annuels, contribuant ainsi à diversifier l’économie du pays, actuellement dominée par le secteur minier. Mais ça, c’était avant l’invraisemblable décision d’une poignée de technocrates bruxellois.

Mis en avant sur les marchés par un panel d’experts internationaux, le cacao et le café congolais sont particulièrement prisés et reconnus pour leur grande qualité. Appuyé par ces avis, le ministre martèle : « Nos produits sont biologiques, cultivés sans engrais chimiques, sur des terres naturellement fertiles. Ils captent l’attention des chocolatiers et torréfacteurs du monde entier, notamment en Europe et en Asie ». Cela est un fait vérifié, tout autant que les efforts du gouvernement congolais sur les considérations de durabilité.

D’autant que la manière dont les auditeurs de l’UE ont évalué les champs de café et de cacao en RDC, a suscité des critiques de la part du ministre congolais, et bien entendu les foudres des producteurs. Tout d’abord, ces auditeurs sont basés dans des pays voisins mais également concurrents tels que le Kenya, l’Ouganda et le Rwanda, ce qui soulève des questions sur la pertinence et la crédibilité de leurs évaluations habituelles. En outre, les critères d’évaluation utilisés par les auditeurs européens sont considérés comme trop stricts et inadaptés à la réalité environnementale congolaise.

« Nous sommes très déçus par cette décision », a déclaré Julien Paluku dans une interview accordée à l’agence de presse congolaise ACP fin 2024. « Nous pensons que les auditeurs de l’UE n’ont pas pris en compte les spécificités de la production de café et de cacao en RDC ».

Des conséquences économiques en cascade pour une zone en quête de stabilité

En 2022, la RDC s’est classée deuxième exportateur africain de cacao biologique, avec 10 869 tonnes expédiées. À l’instar du projet « Cacao Tshopo », qui vise à développer un label international pour cette région, des initiatives se multiplient afin de valoriser la production locale et à en renforcer la traçabilité. Et les arguments congolais sont bien réels dans les faits, faisant tomber les masques de nos experts européens.

Avec une distinction claire entre ses 155 millions d’hectares de forêt tropicale et ses 80 millions d’hectares de terres arables, la RDC dispose d’un vaste potentiel encore largement inexploité. « Nous avons tout pour réussir : des terres arables non forestières, une biodiversité exceptionnelle et des producteurs motivés. Contrairement à certaines idées reçues, nos cultures n’entraînent pas de déforestation, et la RDC affiche un taux annuel vérifié de déforestation de seulement 0,03 % », a ainsi précisé Julien Paluku, rapports en main.

L’exclusion du café et du cacao de la RDC du marché européen aurait bien évidemment des conséquences catastrophiques pour la stabilité économique et sociale de ce pays en quête de paix. En effet et semblant échapper à nos fonctionnaires bruxellois, la production de café et de cacao représente environ 20% du PIB de la RDC, et cette industrie emploie des milliers de personnes notamment dans les zones rurales. La perte de recettes tant pour les producteurs de cacao congolais que pour l’économie du pays est estimée à environ 200 à 300 millions de dollars par an, si l’Union européenne persistait dans cette décision. Mais peut-être que précisément, les vrais motifs, pour ne dire intérêts, sont ailleurs…

« Cette décision va avoir des conséquences désastreuses pour les producteurs de café et de cacao congolais », a également déploré Jean-Pierre Muteba, président de la Fédération des producteurs de café et de cacao de la RDC. « Nous appelons les autorités congolaises et européennes à trouver une solution qui prend en compte les intérêts de toutes les parties concernées ». Autrement dit : une solution intelligente.

Des solutions se passant de pseudo expertises et préconisations européennes

Depuis plusieurs années et afin de maximiser la valeur ajoutée, le gouvernement congolais a mis en place des zones économiques spéciales (ZES), notamment à Musienene dans le Nord-Kivu, et à Maluku près de Kinshasa. Ces ZES sont dédiées à la transformation locale des produits agricoles. « En transformant nos produits localement, nous pourrons conquérir de nouveaux marchés tout en créant de l’emploi et en renforçant l’économie locale », argumente le ministre.

Et d’ores et déjà, face aux incertitudes liées aux normes européennes sur la déforestation, Kinshasa mise sur la diversification de ses débouchés et productions. La RDC a ainsi réintégré l’AGOA (African Growth and Opportunity Act), facilitant les exportations vers les États-Unis, et explore activement les marchés chinois et indiens.

Du côté de la bannière étoilée à fond bleu et en bonne donneuse de leçon, pour éviter cette exclusion, la RDC doit prendre des mesures afin d’améliorer la durabilité de sa production de café et de cacao. Cela pourrait inclure la mise en place de systèmes de certification pour les produits agricoles, la formation et le soutien aux producteurs afin que ces derniers puissent adopter des pratiques plus durables, la promotion de pratiques agricoles durables et la protection de l’environnement. Mais alors les auditeurs européens sont-ils aveugles ? Ou suffisamment incompétents au point de méconnaître la différence entre le rythme de développement du continent africain et celui des pays occidentaux ?

Aveugles, ces derniers semblent avoir également omis la collaboration pérenne de la RDC avec plusieurs organisations internationales et ONG afin d’obtenir des financements et des ressources visant à soutenir ses efforts de durabilité dans ses productions. Mais cette bonne volonté politique et commençant déjà à porter ses fruits localement, ne semble pas entrer dans les critères techniques européens !

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