À la suite du désaveu aux élections du 28 juillet 2024 dont les résultats ne sont pas sincères, le régime de Nicolás Maduro, utilisant son contrôle absolu de tous les pouvoirs publics, y compris la Cour suprême de justice, a entamé une répression sévère contre l’opposition démocratique, qui a conduit au départ forcé d’Edmundo González Urrutia vers l’Espagne en septembre de la même année et à la nécessité pour la principale dirigeante, María Corina Machado, de rester dans la clandestinité pour des raisons de sécurité.
Depuis lors, le régime chaviste a emprisonné plus de 2 000 personnes, dont des mineurs, pour avoir protesté contre la fraude électorale. Le ministère public, par l’intermédiaire du procureur général, est devenu l’organe d’exécution des ordres d’arrestation et d’enlèvement de nombreux militants de l’opposition qui n’ont pas eu le droit à la défense. Selon les informations recueillies à partir des dénonciations des proches des prisonniers, les agences d’intelligence, composées de personnel policier et militaire, se sont rendues de toutes sortes de tortures et d’abus dans le seul but de maintenir la répression et le climat de harcèlement à l’encontre de toute forme de résistance civique et démocratique. Cela a permis au régime de Maduro de mettre en œuvre la stratégie des « portes tournantes », c’est-à-dire de libérer un nombre limité de prisonniers politiques par une porte et d’en emprisonner d’autres par une autre. À cette fin, Maduro a donné des instructions précises pour la création de deux grandes prisons de sécurité maximale appelées « Tocuyito » et « Tocorón », où l’accès aux avocats et aux proches des détenus est interdit.
La victoire d’Edmundo Gonzalez a été clairement démontrée à la communauté internationale
Lorsque le Conseil national électoral a décidé de proclamer illégalement Nicolás Maduro comme président élu et qu’il a ensuite été entériné par la Cour suprême de justice (deux organes contrôlés par le régime), l’opposition avait déjà réussi à récupérer plus de 80 % de l’ensemble des bulletins de vote confirmant le triomphe d’Edmundo González. Grâce à ces preuves, Edmundo González a pu démontrer à la communauté internationale non seulement sa victoire, mais aussi la fraude électorale qui a provoqué l’aggravation de la crise politique au Venezuela, ce qui a fini par isoler Maduro encore davantage au niveau international, reconnu uniquement par des régimes non démocratiques comme Cuba et le Nicaragua, ainsi que par la Chine, la Russie et l’Iran, et d’autres pays regroupés dans le bloc anti-occidental des BRICS.
Maduro dans le collimateur des États-Unis et de leurs alliés
Il ne fait aucun doute que le mandat de Biden sera bientôt oublié est présenté comme un désastre en politique internationale en raison sa passivité face aux régimes autocratiques. Trump et sa nouvelle administration n’ont pas hésité à affirmer qu’ils allaient faire ce qu’ils n’avaient pas pu terminer lors de la première administration. Les conditions d’une sortie négociée de Maduro et de son régime ont commencé à se tarir. Et pour la première fois depuis longtemps, un président américain est arrivé à la Maison Blanche avec une majorité absolue au Congrès qui lui permettrait de prendre des décisions extrêmement lourdes de conséquences.
Certes, les États-Unis ont apporté des changements significatifs à leur politique d’intervention au cours des deux dernières décennies en raison du coût financier élevé de ces opérations. Cependant, Washington n’a pas reculé devant le maintien et le renforcement de ses lignes rouges et cherchera toujours à protéger ses intérêts et sa propre sécurité nationale. Dans ce contexte, l’administration Trump a compris que le régime de Maduro constitue une menace sérieuse pour l’ensemble de l’hémisphère, car il est parvenu ces dernières années à renforcer ses liens politiques, diplomatiques et militaires avec la Russie et l’Iran, ainsi qu’à maintenir des liens et des contacts avec diverses organisations criminelles impliquées dans le trafic de drogue et le terrorisme. Par conséquent, nous sommes d’avis que sous l’administration Trump, Maduro sera bientôt écarté du pouvoir, soit par l’exercice d’une plus grande pression politique et diplomatique, soit par un acte de force inévitable.
Un soulèvement venu de l’intérieur ?
Le scénario actuel au Venezuela le démontre. La majorité des Vénézuéliens, à l’intérieur et à l’extérieur du pays, ont compris au cours des 25 dernières années que pour sortir d’un régime oppressif qui ne respecte pas la Constitution, la démocratie, ou ne reconnaît pas les résultats électoraux lorsqu’ils lui sont défavorables, le seul recours est désormais la force. Mais la résistance civique, au-delà des protestations et des doléances, ne dispose pas des mécanismes ou de la logistique nécessaires pour renverser un gouvernement qui a toujours le contrôle des armes. C’est pourquoi certains analystes estiment que le Venezuela remplit les conditions d’application du TIAR (Traité interaméricain d’assistance réciproque), similaire au cadre d’action de l’OTAN.
Il a également été avancé que le changement politique au Venezuela doit venir de l’intérieur et non de l’extérieur en raison des implications pour l’ensemble de l’hémisphère. Si Trump ne négocie avec Maduro que le rapatriement des Vénézuéliens dans le cadre de sa stratégie visant à mettre un terme à l’immigration clandestine, au trafic de drogue et aux problèmes de sécurité intérieure, en échange d’une attitude neutre au Venezuela, cela pourrait redonner de l’oxygène politique aux démocrates, qui pourraient l’accuser de démagogie et poser problème au sénateur Marco Rubio. En effet, le nouveau Secrétaire d’Etat a des aspirations présidentielles et a réitéré son engagement à promouvoir la restauration de la démocratie au Venezuela et la libération subséquente de Cuba et du Nicaragua.
Cependant, la récente tournée d’Edmundo González dans plusieurs pays d’Amérique latine, dont les États-Unis, pourrait favoriser un éventuel scénario de consensus entre plusieurs pays en faveur de l’octroi d’un plus grand soutien à l’opposition vénézuélienne, tant sur le plan logistique qu’éventuellement militaire, pour faire face au régime de Maduro.
Les conditions d’une intervention internationale au Venezuela sont-elles réunies ?
Mais il est clair que la possibilité d’une intervention internationale soulève des questions juridiques concernant le principe de non-intervention, l’une des normes fondamentales du droit international, inscrite dans la Charte des Nations unies qui établit dans son article 2.4 que « les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, ou de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations unies ». De même, l’article 2.7 de la Charte stipule qu’« aucune disposition de la présente Charte n’autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la juridiction interne des Etats ».
Le principe de non-intervention a été défini comme un devoir des États, sous le paradigme de l’égalité souveraine entre eux et du droit à l’autodétermination des peuples. Dans cette perspective, la souveraineté est considérée comme absolue. Cependant, avec le renforcement des droits de l’homme, le concept de souveraineté absolue est devenu plus nuancé, cédant la place à une souveraineté assortie de devoirs, où sa légitimité dépend de la mesure dans laquelle l’État concerné garantit la vie, la liberté, la sécurité et le bien-être de ses citoyens. En somme, la « bonne gouvernance » serait la condition nécessaire à la reconnaissance de la souveraineté. Si la souveraineté ne bénéficie pas de cette présomption de légitimité, le principe de non-intervention ne s’applique pas et la communauté internationale aurait le feu vert pour agir moralement et politiquement. C’est ce que l’on appelle en droit international « la responsabilité de protéger », qui implique que la communauté internationale a le devoir d’intervenir lorsqu’un État n’est pas en mesure ou refuse de protéger sa population contre de graves violations des droits de l’homme, ou pire, devient le principal agresseur.
La prestation de serment de Nicolas Maduro et ses conséquences géopolitiques
L’investiture de Nicolás Maduro le 10 janvier 2025 marque le début d’une usurpation flagrante du pouvoir et l’instauration formelle d’une dictature au Venezuela. Les conséquences et les réactions suivront à très court terme lorsque les gouvernements démocratiques du monde retireront leurs représentations diplomatiques accréditées à Caracas et retireront, de même, les lettres de créance des représentations diplomatiques du régime de Maduro accréditées dans leurs pays respectifs. La réactivation de l’enquête contre le régime Maduro devant la Cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité n’est pas non plus exclue.
Face à ce scénario, le régime Maduro cherchera à obtenir un soutien maximal de la part de la Russie, de l’Iran et de la Chine pour résister ou échapper à l’effet des récentes sanctions imposées par l’administration Biden qui seront certainement renforcées par l’administration Trump.
Maduro tentera également de promouvoir une réforme de la Constitution de 1999 ou d’en rédiger une nouvelle, dans le but de sauver la face de son régime et organiser un référendum visant à légitimer tous les pouvoirs de l’État qui sont sous sa coupe. L’objectif est très simple : gagner du temps pour démoraliser l’opposition démocratique et la démanteler définitivement, encourager une nouvelle vague de migrants (dont la plupart s’opposent à lui politiquement) et obtenir progressivement une reconnaissance internationale. Le Venezuela entrera dans un nouveau cycle de répression, de persécution et de censure accrues, puisque la présence militaire et policière a récemment été renforcée sur tout le territoire national pour contrôler d’éventuels scénarios d’insurrection.
Tout dépendra du comportement de tous les acteurs politiques et, surtout, du climat de tension au Venezuela, qui pourrait s’aggraver dans les heures, les jours ou les semaines à venir. Le Venezuela va-t-il devenir la Syrie de l’Amérique latine ? Maduro connaitra-t-il la même issue que Bachar Al-Assad ?