Droit international et géopolitique en temps de crise

par David OSORIO
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L’émergence d’ne géopolitique anti-juridique

Nous vivons une époque de tensions extrêmes et dangereuse. En effet, la méthode de négociation et la coutume ont été historiquement les ressources les plus efficaces pour le règlement pacifique des différends entre les États. Cependant, l’augmentation exponentielle des menaces au cours des trois dernières décennies nous incite à un examen de l’interaction entre le droit international et la géopolitique dans un contexte mondial marqué par la violence et l’intolérance.

Les intérêts nationaux se sont accrus pour des raisons politiques, économiques et géostratégiques. L’ère multipolaire, initialement comprise comme une réponse inévitable aux temps hégémoniques, a posé de nouveaux défis à la paix et à l’ordre international face à un processus croissant d’expansion de ce que l’on appelle les « puissances émergentes » qui, regroupées en différents blocs géopolitiques, cherchent non seulement à se positionner sur les marchés internationaux, mais dont les actions récurrentes dans le domaine de la coopération technologique et militaire se sont traduites par des intentions clairement inamicales, révélant une rivalité frontale.

La pratique du multilatéralisme a connu une régression progressive et un affaiblissement des organismes et des normes établies depuis 1945 avec la Charte de l’ONU. La jurisprudence internationale a été bafouée par l’imposition de nouvelles formes anti-diplomatiques qui cherchent à fausser les critères de réciprocité et de bonne foi contenus dans le principe du « quid pro quo », par le biais de pressions politiques et économiques.

Le droit international et ses normes sont confrontés à une géopolitique de la terreur associée à la menace et à la rupture du système international, puisque les immunités juridictionnelles des organisations multilatérales manquent de mécanismes de contrôle, d’arbitrage et d’assujettissement face aux États qui violent la légalité internationale. La non-reconnaissance de l’ordre juridique international devient notoirement une pratique politique des États opposés à la démocratie et au respect universel des droits de l’homme.

Le non-respect croissant des obligations internationales reflète l’incapacité du système des Nations Unies à exercer une protection judiciaire contre les régimes qui ont manipulé l’interprétation des principes de souveraineté et d’autodétermination et qui se sentent donc légitimes à ignorer unilatéralement le caractère contraignant des accords internationaux et l’application des normes du droit comparé.

Il est clair que le système des Nations unies présente un changement dans l’équilibre géopolitique où la légalité internationale a perdu sa portée et sa validité dans de nombreux aspects face à la croissance et à l’influence de nouvelles corrélations de forces dont les acteurs ont retiré la personnalité juridique de leurs propres entités.

La controverse d’opposer le national à l’international

D’autre part, l’ordre juridique international est confronté à deux menaces majeures. L’une de nature interne, comprenant les ambiguïtés, les incohérences et les lacunes contenues dans de nombreux traités et conventions qui entravent leur portée et leur application, et l’autre de nature externe, représentée par l’augmentation des déclarations politiques des États qui cherchent à supprimer la dimension supranationale que possède le droit international dans le cadre de la construction de la gouvernance mondiale. On peut donc dire qu’un processus de politisation de l’ordre juridique international a été enclenché, visant à relativiser l’application de ses normes et à ne pas tenir compte de leur mise en œuvre dans les systèmes juridiques nationaux. Dans les cas les plus graves, il y a des gouvernements qui, pour des raisons politiques, ne respectent pas les traités internationaux dont les dispositions ont déjà été incorporées en tant que normes constitutionnelles. Nous faisons référence aux États hors-la-loi.

Sous cette prémisse, des intérêts politiques ont commencé à occuper l’agenda de divers comités thématiques dans le seul but de diminuer la nature contraignante des résolutions qui seraient discutées et adoptées par les organes exécutifs des institutions internationales. Cela explique les critiques que, dans certains cas et de manière irresponsable, les médias et les réseaux sociaux formulent à l’encontre des organisations multilatérales, étant donné que, de manière involontaire, une grande partie de leurs décisions ne sont pas traduites sur le terrain et ne se traduisent pas par une amélioration de la qualité de vie des populations. Cependant, ils ignorent que les pays qui exercent un boycott politique et diplomatique contre le système multilatéral sont les premiers promoteurs de l’instabilité internationale. Cela leur a permis a posteriri de justifier que ces organisations sont inefficaces et que leur financement est inapproprié par rapport à leurs priorités nationales. Cette position a généré une grave situation de liquidité pour les agences de l’ONU face à la crise de non-paiement de plus d’un tiers de ses États membres.

Les défis

Il convient de comprendre qu’aujourd’hui, la légitimité du système international est en danger et que ses propres détracteurs sont les premiers à remettre en question et à bloquer les initiatives de réforme. Loin de contribuer à l’ingénierie du consensus, je peux affirmer, de par mon expérience diplomatique, que les nouvelles formations géopolitiques se sont mises d’accord pour démanteler les structures de gouvernance des organisations internationales au niveau financier. Cela se traduit par un manque d’engagement en faveur de la coopération, le refus d’augmenter les budgets pour faire face aux crises humanitaires ou encore la suspension ou l’élimination des programmes visant à accélérer la réalisation de l’agenda 2030. À cette fin, ces pays rebelles préfèrent s’engager dans une coopération bilatérale ou directe, car cela leur permet d’acquérir un leadership, de conditionner l’aide et de créer des alliances pour leurs intérêts géopolitiques.

Sur la base de ce qui précède, les rivalités géopolitiques impliquent inévitablement un lien étroit avec le droit, puisqu’elles mettent en jeu le cadre juridique qui définit les relations entre ces acteurs, qui sont à leur tour ceux qui approuvent, respectent, remettent en question ou violent ces règles. En d’autres termes, le droit est une discipline intrinsèquement associée à la géopolitique, mais si la géopolitique devient un instrument au service des intérêts des acteurs en conflit, la reconnaissance de l’État de droit international, faute de mécanismes de codification, se ferait au détriment de ceux qui parviennent à imposer leur volonté par l’usage de la force ou d’autres méthodes coercitives que la justice.

En conclusion, la revitalisation du droit international ne dépendra pas strictement d’une réforme des Nations unies, mais plutôt d’un changement politique au sein des États eux-mêmes, en particulier ceux dont les sociétés sont capables de promouvoir l’établissement d’un système de gouvernement qui, sans renoncer à leur identité culturelle, s’insère dans des protocoles et des normes démocratiques qui protègent les droits de l’homme sans l’imposition juridique d’un courant de pensée politique ou idéologique.   

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