Face à la crise profonde entre Paris et Alger, de rares voix appellent à l’apaisement

par Erwan Davoux
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Paris (France)

  • 29 janvier 2025 13:33
  • AFP(Célia LEBUR, Cécile FEUILLATRE (STF))
    / PAPIER D’ANGLE

Relations diplomatiques polaires, entraves économiques… Face aux effets déjà concrets de la brouille entre Alger et Paris, quelques rares personnalités françaises appellent à l’apaisement pour préserver les intérêts particuliers et historiques qui unissent les deux pays.

La décision cet été d’Emmanuel Macron de reconnaître le Sahara occidental comme s’inscrivant dans le cadre de la “souveraineté marocaine” a provoqué la fureur d’Alger qui soutient depuis plus d’un demi-siècle les indépendantistes sahraouis du Front Polisario.

Les tensions se sont encore aggravées avec la détention en Algérie de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal puis l’arrestation en France de plusieurs influenceurs algériens et franco-algériens pour apologie de la violence.

Les relations diplomatiques sont aujourd’hui de facto quasi rompues et la nouvelle crise est très profonde, probablement durable, avec un niveau de “toxicité” inédit jusque-là, reconnaît-on à Paris.

Un simple chargé d’affaires officie à Paris depuis le départ en juillet de l’ambassadeur d’Algérie, Saïd Moussi. Son homologue français Stéphane Romatet, toujours en poste, n’a quasiment plus de contact avec les officiels à Alger, sauf en cas de convocation pour lui signifier leur mécontentement.

La dernière en date, mardi, visait à dénoncer de présumés “traitements dégradants” contre les passagers algériens dans des aéroports parisiens.

  • “Algérophobie” –

Dans l’Hexagone, où vivent 2,5 à 3 millions de binationaux ou de Français d’origine algérienne, nombre de responsables politiques de droite et d’extrême droite se relaient dans les médias pour réclamer une “riposte” ou des mesures “punitives” ciblant notamment la délivrance de visas.

En retour, les médias algériens invectivent quotidiennement le gouvernement français, dénonçant une “algérophobie” et une campagne de “désinformation” contre leur pays.

Rares ont été les voix nuancées ces dernières semaines. Après avoir évoqué de possibles mesures de rétorsion, le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, a cependant fait un pas vers Alger, en se disant “prêt” à se rendre sur place.

Alors que la coopération sécuritaire est aussi à l’arrêt, le ministre français des Armées a lui rappelé l’importance du partenaire algérien dans une région du Sahel très troublée – et marquée ces dernières semaine par la reprise des enlèvements d’Occidentaux.

“Sur le terrain militaire, du renseignement ou du contreterrorisme, nous avons besoin d’une bonne coordination entre Alger et Paris, comme entre Rabat et Paris”, soulignait récemment Sébastien Lecornu dans le Journal du dimanche.

La visite du patron de la DGSE Nicolas Lerner en Algérie le 13 janvier, révélée par le Figaro, avait probablement pour but de “faire passer des messages” en ce sens, estime Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen, soulignant également la préoccupation liée au possible retour de Syrie de jihadistes algériens ou franco-algériens.

La France et ses voisins européens ont intérêt à la stabilité de l’Algérie, “partenaire fiable et indéniablement important” pour l’Union européenne, dont elle était, au troisième trimestre 2024, le troisième plus grand fournisseur de gaz naturel et de GNL, selon Geoff Porter, directeur du cabinet North Africa Risk Consulting.

  • “Ralentissements” et “blocages” –

Si Alger n’a pour l’instant pris aucune mesure de représailles officielles, les entreprises françaises sur place – quelque 6.000 au total – font face à des “ralentissements” et “blocages” dans la délivrance d’autorisations et d’agréments entravant leur activité, selon plusieurs sources proches du dossier.

Emblématique, l’usine Renault était censée reprendre sa production dans la région d’Oran à la fin de l’été, après des investissements destinés à se conformer au cahier des charges algérien, mais attend toujours son agrément.

Interrogé par l’AFP, le président de la chambre de commerce et d’industrie algéro-française, Michel Bisac, déplore “la surenchère permanente” et l'”hystérisation” du débat en France qui “ne rend pas service” aux opérateurs français et algériens qui commercent ensemble.

“On ne s’assoit pas sur 4 milliards et demi d’euros d’exportations françaises vers l’Algérie”, s’agace-t-il, en citant le chiffre annuel 2023. “Et si les Algériens veulent remplacer les produits français par d’autres produits venant de Chine, de Turquie etc., je pense qu’ils n’auront pas de problème”.

L’Algérie, qui était l’un des plus gros clients du blé français pour produire son pain, ne se fournit quasiment plus en France, notamment au profit des grains russes. Et si cette tendance est “antérieure” à la crise actuelle, celle-ci “n’a pas aidé”, ajoute M. Bisac.

“L’Algérie a des alternatives diplomatiques et la France ne pèse plus ce qu’elle pesait autrefois en Europe et dans le monde”, estime pour sa part Erwan Davoux, ancien de la DGSE et ex-chargé de mission à l’Elysée pour l’Afrique du Nord.

“On a des relations fortes avec Alger qu’il ne faut pas humilier avec des comportements condescendants”, estime-t-il. “On ne peut pas se permettre de les mettre en péril”.

Avec AFP

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