La Chine et l’ingénierie pragmatique de sa politique étrangère

par David OSORIO
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La Chine est un pays de civilisation six fois millénaire mais avec une histoire contemporaine assez récente, débutant avec la fondation de la République Populaire de Chine (RPC) en 1949 sous le leadership de Mao Zedong. La première période qui s’achève avec la mort de Mao en 1976 marque la mise en œuvre d’une doctrine radicale du communisme qui conduit la Chine vers un état d’isolement international pendant de nombreuses années.

Avec l’avènement de Deng Xiaoping comme chef suprême, la Chine entame une nouvelle ère, mettant fin à l’extrémisme de la politique de Mao, à travers un processus de réformes économiques propices à l’expansion et à la croissance du géant asiatique. Le principe d’un seul pays, deux systèmes permet la cohabitation du système socialiste avec le système capitaliste et cette pratique a, ensuite, aidé la Chine à récupérer la souveraineté sur Hong Kong et de Macao. La RPC estime qu’elle œuvrera de la même manière avec Taiwan afin d’obtenir la réunification.

Troisième plus grand pays du monde (9,6 millions de km2) et situé en Asie de l’Est sur la côte ouest du Pacifique, la Chine compte une population qui dépasse 1,4 milliard d’habitants.

C’est la deuxième économie mondiale et le principal pays exportateur disposant des réserves monétaires les plus importantes. Malgré l’impact de la pandémie de COVID-19 sur le ralentissement de sa croissance économique, la Chine a eu la capacité de se redresser rapidement tout au long de l’année 2023, atteignant un taux de croissance annuel de plus de 5 %, reposant sur la croissance des niveaux de consommation à l’international, l’investissement des entreprises publiques et leurs politiques d’épargne préventive.

Cette brève introduction sur l’économie chinoise révèle que ses recettes fiscales dépassent de loin les indices macroéconomiques mondiaux, notamment en raison de la puissante impulsion générée par les secteurs agricole, industriel, technologique, commercial et manufacturier. Comme nous le savons, la Chine a également une économie très diversifiée, étant le sixième producteur mondial de pétrole et le quatrième producteur de gaz naturel. Cependant, en raison de sa forte population, elle dépend largement des importations pour satisfaire sa demande.

Grâce à ces énormes avantages comparatifs, le gouvernement chinois, qui est un parti-État, se consacre depuis des années à étudier attentivement les systèmes politiques ainsi que les limites, asymétries, forces et faiblesses des pays avec lesquels il entretient des relations diplomatiques. Cela a permis à sa politique étrangère d’adapter ses objectifs, en tenant compte avant tout des affinités politiques et des intérêts économiques existants avec chaque pays. Les affaires avec les chinois ont toujours un mobile politique et cela constitue un élément essentiel de leur showroom stratégique.

Avec l’arrivée au pouvoir en 2013 de Xi Jinping, la diplomatie chinoise, fidèle à ses cinq principes fondamentaux de politique étrangère : non-ingérence dans les affaires intérieures, non-agression, coexistence pacifique, égalité et avantages mutuels, met ce concept en pratique d’une « harmonie sans uniformité » qui cherche à promouvoir les relations diplomatiques au-delà des différences idéologiques et à renforcer l’image de la Chine auprès de la communauté internationale.

En ce sens et comme l’affirment certains analystes, l’émergence pacifique de la Chine n’est rien d’autre qu’une stratégie pour se positionner comme un pays pratiquant la coopération, promoteur de la paix, de l’ordre mondial et du développement, à travers des relations économiques, commerciales et culturelles.

Dans les organisations multilatérales, par exemple, la Chine est devenue l’un des principaux financiers des programmes extrabudgétaires de l’agenda 2030 des Nations Unies, avec lequel elle a réussi non seulement à accroître son influence en obtenant son adhésion à d’importantes instances décisionnelles, mais également à obtenir, grâce à la diaspora chinoise, des postes clés dans la fonction publique internationale. La diplomatie chinoise est donc une grande défenderesse du multilatéralisme.

De même, après le COVID-19, la Chine s’est lancée dans une politique beaucoup plus audacieuse et réactive à travers la « diplomatie du loup-guerrier » qui vise à accroître son importance et sa visibilité face aux questions majeures de l’agenda international, en exerçant une plus grande présence de son Porte-Parolat et de sa capacité à répondre aux médias et aux réseaux sociaux.

Si la Chine assure faire de gros investissements et faire des affaires avec des pays qui ne sont pas forcément d’accord avec son modèle politique, elle assure aussi une sorte de neutralité avec une bonne partie de la communauté internationale qui a préféré à plusieurs reprises détourner son regard concernant les accusations portées contre la Chine pour violations des droits de l’homme.

La Chine a réussi à imposer sa politique « d’une seule Chine » dans le monde, neutralisant les aspirations de Taiwan à obtenir une meilleure reconnaissance internationale. La Chine, à son tour, défend la thèse d’un monde multipolaire et, à cette fin, elle est devenue un acteur de contrepoids face aux grandes puissances et aux différents blocs, favorisant la montée du Sud global, à travers les BRICS, le G-77 et la Chine, l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), l’Organisation de coopération de Shanghai et le Forum pour la coopération chinoise-africaine. Dans cette équation, nous devons inclure ses puissants liens d’amitié avec la Russie, la Corée du Nord et l’Iran. Son influence est croissante en Amérique latine non seulement auprès des gouvernements de gauche, mais également auprès des principaux forums de consultation de la région, tels que la CELAC et le MERCOSUR, avec lesquels elle aspire à signer un accord de libre-échange. Les réserves de certains pays reposent sur les risques liés aux « petits caractères » de ce type d’accords adaptés surtout aux chinois.

D’un autre côté, la Chine sait où placer son argent au profit de son capital politique international, en entrant dans les secteurs stratégiques de l’économie des pays touchés par la dette, les problèmes sociaux et les défaillances de leurs infrastructures. Cependant, certaines de ces entreprises ou prêts ont favorisé l’enrichissement des fonctionnaires impliqués dans l’approbation des accords bilatéraux, pour lesquels le président Xi Jinping a mené une campagne acharnée contre la corruption à tous les niveaux.

Pour conclure, notons que, face à la polarisation et à l’actuel situ ation politique des États-Unis, la diplomatie chinoise a certainement trouvé un espace pour présenter son Initiative de sécurité mondiale pour le développement du Pacifique contre l’Initiative de dissuasion du Pacifique des États-Unis qui a également eu lieu en Europe avec l’Initiative européenne de défense. Mais au-delà de toute différence, nous considérons que la Chine, pour des raisons de principe, donnera toujours la priorité à ses relations avec les États-Unis et l’Europe, à travers une coopération économique et technique, en évitant toute sorte de provocations et de controverses. La Chine est également très claire sur le fait qu’il est préférable d’avoir de bons clients aux États-Unis et en Europe plutôt que de vivre dans une confrontation politique qui ne rapportera aucun bénéfice aux parties.

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