Les massacres perpétrés à Gaza, à l’encontre de civils, auront servi de révélateur à un mal profond qui ronge les des démocraties occidentales depuis plusieurs années : le reniement de tous les principes fondateurs. Ces démocraties libérales bâties à l’issu de la seconde guerre mondiale semblent en perte d’influence sur la scène internationale et ne plus exercer le moindre pouvoir attractif mais plutôt un effet répulsif, notamment auprès des pays du Sud
Le système de valeurs fondé dans l’après guerre et la décolonisation est caduc.
Le système qui a pris son essor dans l’après-guerre reposait sur quelques piliers. Ils se sont effondrés. Les atrocités de la seconde guerre mondiale, la Shoah, la fin de la colonisation et la mauvais conscience occidentale naturelle qui en a résulté ont conduit à l’édification d’un système de valeurs fortes et de principes fondateurs d’un nouvel ordre international dont les prémices se trouvent dans la Charte des Nations-Unies. En dépit de la paralysie périodique du Conseil de Sécurité, Etats-Unis, France, Royaume-Uni (auxquels on peut ajouter l’Allemagne et Italie) se sont efforcés de respecter certaines valeurs :
- Egalité et dignité des vies humaines
- Primauté du droit international avec son corollaire règlement pacifique des différends.
- Non-ingérence dans les affaires intérieures, souveraineté nationale.
Gaza a servi de révélateur
Ces principes sont désormais caducs et Gaza aura servi à la fois de catalyseur et d’accélérateur dans la manifestation de ces reniements. En effet, les vies humaines sont désormais hiérarchisées : une vie palestinienne ne vaut pas grand-chose, environ 1/40ème d’une vie israélienne. Qui s’intéressa aux attentats à Bagdad en deçà de plusieurs dizaines de morts ? L’absence des puissances du G7 à la commémoration de Nagasaki témoigne qu’une vie japonaise n’a pas grande importance non plus. Dans le même temps, la moindre attaque survenant en Europe ou aux Etats-Unis, qu’il y ait ou pas de morts, occupe les chaînes d’information plusieurs jours. La valeur de la vie humaine dépend désormais étroitement de l’ethnie, la religion, la nationalité. C’est la négation même de tout esprit humaniste et le retour à l’esprit colonial qui hiérarchise les vies humaines.
Le droit international ? Un empêcheur de tourner en rond !
Le droit international ne s’applique plus et il est même considéré comme un empêcheur de tourner en rond. Nous assistâmes à une première, en 2003, avec l’invasion illégale de l’Irak. Aujourd’hui encore, nous payons le prix de cette folie meurtrière qui a déstabilisé toute la région. Ceux-là même qui se sont acharnés sur l’Irak, se déchainent aujourd’hui contre la puissance iranienne dans une sorte de schizophrénie et de fanatisme qui les empêche de réaliser le lien direct de cause à effet.
Les Etats-Unis de Georges Bush ouvrirent un fâcheux précédent et ont une responsabilité toute particulière dans cette dérive. Mais au moins cherchèrent-il à passer par le Conseil de Sécurité pour légitimer leur agression. Ils durent y renoncer face à la France chiraquienne et tous ses alliés, soucieux d’assurer la suprématie du droit international. Le temps où la voix et la voie de la France était forte et entendue sur la scène internationale.
Le Gouvernement Netanyahou, lui, se moque éperdument du droit international. Il l’a évacué d’un revers de main : résolutions du Conseil de sécurité non appliquées, principes fondateurs du droit international et humanitaires violés quotidiennement, colonisation à outrance, atteintes répétées à la souveraineté du Liban, de la Syrie, de l’Iran… Le tout dans la dénégation des actes et même la recherche d’une approbation et de félicitations au nom de la morale mais en réalité dans une pure logique suprématiste et raciste.
Le droit du plus fort favorise l’instabilité
Tout cela ne peut se faire naturellement qu’avec le soutien (Etats-Unis et Allemagne continuent de fournir des armes à Israël) la complaisance (France, Royaume-Uni, Italie) des grandes démocraties occidentales qui ont saboté la légitimité de l’ONU et acté la fin du Conseil de sécurité pour régler les grandes affaires du monde. Une suicide pour la France et le Royaume-Uni dont le poids sur l’échiquier mondial n’a plus rien à voir avec ce qu’il fut et pour qui le droit international joue un rôle d’égalisateur de puissance.
C’est désormais le retour du droit du plus fort comme principe fondateur qui nous ramène plusieurs décennies en arrière moralement et nous emmène vers un monde instable car le rapport de force est évolutif et s’inverse inéluctablement, un jour ou l’autre. Ceux qui fondent leur légitimité sur ce seul principe s’exposent à de graves déconvenues à moyen ou long terme. Netanyahou risque plus d’apparaître, dans quelques années ou décennies, comme le fossoyeur et non le protecteur de l’Etat d’Israël.
LE G7 n’est plus qu’une tentative maladroite visant à maintenir une domination chancelante
Le G7, invention française (Valéry Giscard d’Estaing), autrefois directoire politique et économique visant à réguler l’ordre international pèse de moins en moins dans les affaires du monde et est considéré par le Sud comme un simple instrument de domination occidentale. Le fameux « deux poids, deux mesures » qu’il incarne pour écarter les grands principes dans son intérêt mais les imposer aux autres, provoque un rejet massif des peuples. Il est d’ailleurs aisé de constater qu’Israël peut poursuivre la boucherie de Gaza avec le soutien des dirigeants ; les peuples, eux, sont massivement favorables à la cause palestinienne.
Un exemple manifeste de cette duplicité et des principes à géométrie variable trouve son expression dans la « défense des chrétiens d’Orient », grand thème de la droite française. Les défendre oui, mais face aux Musulmans uniquement. En revanche, quand Israël perçu abusivement comme l’avant-garde de l’Occident, fournit 70% de l’armement azerbaïdjanais qui a servi au nettoyage ethnique du Haut-Karabagh, silence radio. Quand les colons avec le concours des forces de sécurité israélienne maltraitent les chrétiens de Jérusalem, aucune protestation non plus. Face à ce cynisme et/ou cette hypocrisie qui ne cherche même plus à se dissimuler, le modèle occidental est devenu, en réalité, un contre-modèle, un repoussoir.
La France fut, autrefois, un médiateur entre le Nord et le Sud grâce une politique étrangère indépendante de Charles de Gaulle à Jacques Chirac en passant par François Mitterrand. Elle ne l’est absolument plus et est ramenée depuis une quinzaine d’années au rang de puissance européenne moyenne cherchant à être un allié (de deuxième catégorie) pour les Etats-Unis.
Ainsi, alors que la puissance réelle du G7 ne cesse de décliner, son renoncement au « soft power », à être le porteur de grand principes vertueux et respectables qui suscitent la sympathie, ouvre un boulevard aux BRICS qui n’ont jamais prétendu êtres les garants des valeurs démocratiques et qui ne donnent pas de leçons à la terre entière, se contentant de servir leur intérêt national et de faire respecter leur souveraineté.
Des communicants face à des “empereurs”
Ils le font d’autant mieux, que les dirigeants de ces grands pays émergents exercent le pouvoir généralement pour une longue durée ou à vie. Ils ont l’avantage du temps long tandis que les dirigeants occidentaux, eux, ne sont plus que des communicants. Des dirigeants de l’instant qui ne s’inscrivent dans aucune tradition et n’ont aucune vision d’avenir. Quand l’horizon des uns se compte en décennies, celui des autres est réduit à quelques en mois qui séparent des élections.
Dans ces conditions, piétiner la plus value comparative que sont le respect des principes fondamentaux, des valeurs civilisationnelles, le respect du droit international, le dialogue des cultures et des civilisations, faire preuve de mépris ou de condescendance à l’égard de tout ce qui étranger ou différent est non seulement immoral mais aussi contre-productif. Renoncer à toutes les valeurs qui transcendent l’immédiateté, condamne les puissances occidentales, aux moins les européennes, à avoir un destin de feuille morte.