La France se doit de diversifier ses approvisionnements en matériaux stratégiques tout en appréciant davantage le risque géopolitique

par Erwan Davoux
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Chassée comme une malpropre du Niger, pays sur lequel elle s’était repliée pour poursuivre la lutte anti-djihadiste, la France n’a pas seulement perdu un allié politique. Elle aussi été privée d’une source importante de l’un des principaux métaux critiques, l’uranium. De manière générale, son éviction imposée d’Afrique ou la fragilisation de ses liens avec d’autres Etats africains produit une incidence négative dans la course effrénée aux métaux critiques ou stratégiques.

Les métaux critiques indispensables au bon fonctionnement de toute économie à haute valeur ajoutée

De quoi parle-ton ? Les métaux critiques sont des éléments chimiques (uranium, lithium, nickel, cobalt, tantale, cuivre etc.), utilisés en petite quantité dans l’industrie de haute-technologie, pour lesquels les risques industriels liés à un déficit de l’offre sont élevés et pour lesquels il n’y a pas de substitution possible. Il s’agit d’éléments clés de la transition écologique (batteries, moteurs électriques, etc.) dont l’approvisionnement sera de plus en plus stratégique pour l’économie française de demain.

Selon les réserves propres à chaque pays, les métaux critiques ne sont pas toujours les mêmes. Ainsi, l’Union Européenne a constitué une liste de 31 métaux rares qu’elle a qualifiés de « stratégiques ».

Un risque de pénurie sérieux au niveau européen comme français

De manière générale, les Européens sont en retard : la production minière augmente sur tous les continents, sauf en Europe. « Les acteurs majeurs dans l’extraction minière sont souvent chinois et rarement européens », rappelle Didier Zimmermann, directeur du développement des entreprises et de la collecte de fonds, EIT Raw Materials.

Le risque de pénurie en approvisionnement de ces métaux précieux est réel et pourrait paralyser tous les secteurs à haute valeur ajoutée de l’économie.  Afin de se prémunir contre ce risque, la France a lancé, fin 2021, un vaste plan intitulé « France 2030 » afin de déployer des projets de production et de recyclage de ces matériaux sur le territoire national et assurer ainsi la résilience des chaines d’approvisionnement de l’industrie française en métaux critiques.

Néanmoins, la France reste et restera très dépendante dans ses approvisionnements internationaux de quelques pays. Et l’uranium tient une place majeure dans l’équation.

Pour la France, l’Uranium est fondamental

En effet, l’avantage comparatif le plus certain de la France par rapport à d’autres pays européen est l’existence de sa filière nucléaire qui lui assure une certaine indépendance énergétique. L’Allemagne, par exemple, n’en fini de payer la sortie abrupte du nucléaire décidée par Angela Merkel, en mars 2011, sans aucune concertation. Peut-être la principale erreur commise par la Chancelière durant son long règne.

Or, pour l’alimenter et la préserver sa filière nucléaire, la France a besoin de 8000 à 9000 tonnes d’uranium naturel par an alors qu’elle n’extrait plus d’uranium sur son sol depuis 2001.

Les importations d’uranium de la France dépendaient de quatre pays principaux : le Kazakhstan (environ 27%), le Niger (environ 20%), l’Ouzbékistan (environ 19%) et la Namibie (environ 15%). Ainsi, 80% de l’extraction provient de 4 pays. L’approvisionnement en uranium est donc extrêmement concentré. Le Niger ayant disparu, la France doit se tourner vers de nouvelles sources d’approvisionnement. Nul besoin d’être expert pour faire le constat que les trois pays restants ne sont pas dans la sphère d’influence française mais russe.

Quelles pistes de diversification ? La Mongolie nouvel Eldorado ou miroir aux alouettes ?

C’est dans ce contexte qu’il faut replacer l’intérêt soudain de la diplomatie française pour la Mongolie.

En effet des visites croisées très rapprochées du Président de la République française en Mongolie, en mai2023, et une visite d’Etat du Président Mongol U. Khurelsukh, en octobre 2023 en France témoignent de l’intérêt grandissant pour ce pays.

Orano a signé un protocole d’accord pour le développement et la mise en exploitation de la mine d’uranium de Zuuvch-Ovoo en Mongolie au Palais de l’Elysée. De même, la visite d’État en France du président mongol, le Bureau des Recherches Géologiques et Minières (BRMG) a signé un accord de partenariat avec le service géologique mongol, le National Geological Service (NGS). Il doit permettre de construire différents projets d’intérêt commun permettant à la Mongolie de mieux connaître et valoriser ses ressources en métaux critiques. Un premier projet de prospection satellitaire du lithium a également été signé.

Mais s’agit-il d’un partenaire fiable ?

Le risque géopolitique doit impérativement être pris davantage en compte

La Mongolie est un pays écartelé entre la Chine et la Russie.  Sa dépendance à l’écart des deux grandes puissances est totale et ce qu’elle concède à l’un, elle le concède également à l’autre. Ses exportations vont à 89% vers la Chine. Le pays a accueilli en grande pompe Vladimir Poutine, en septembre dernier, alors que le Président russe fait l’objet d’un mandat de la Cour Pénale Internationale.

Est-ce à la lumière de ces faits qu’il faut analyser les récents soubresauts législatifs ? Un projet d’amendement à la loi sur les minéraux pourrait conduire à l’expropriation, de fait, des actifs miniers détenus en Mongolie par des entreprises étrangères. Le texte interdit à toute entité de détenir plus de 34 % des actions d’une entreprise exploitant un gisement de minerais stratégiques. Par ailleurs, tout détenteur d’une licence d’exploitation serait soumis à une imposition de 30% en cas de transfert de droits. Si ce texte ne concerne pas directement l’uranium, un autre amendement, au projet de loi sur l’énergie nucléaire cette fois, prévoirait une augmentation substantielle des redevances sur l’exploitation de l’uranium en Mongolie – un impôt qui pourrait impacter le partenariat avec Orano.

La diplomatie française se serait-elle une nouvelle fois fourvoyée ?

Souveraineté et géopolitique

Pour préserver son indépendance énergétique, la France se doit à la fois de diversifier des partenaires, mais aussi de dresser une analyse lucide des risques d’évolution politique des différents partenaires et ne pas être dupe d’influences qui s’exercent d’une manière nettement plus forte que la sienne.

Ces deux impératifs conjugués incitent à se tourner vers d’autres partenaires tels que le Canada et l’Australie. Mais cela reviendrait à échapper à l’influence russo-nipponne pour passer sous celle anglo-saxonne. Reste l’Afrique australe et l’Amérique du Sud ainsi que la nécessité pour la diplomatie française de retisser des liens avec des pays où la France était bienvenue mais d’où elle désormais bannie. Un travail de longue haleine !

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