Alors que la guerre fait rage depuis octobre 2023 et que le bilan humain s’alourdit tous les jours un peu plus, une autre problématique du conflit fait surface : celle d’un désastre environnemental aux conséquences multiples en particulier sanitaires, qui pèse lourdement sur la vie quotidienne des Gazaouis. Touchés par les destructions d’infrastructures, les pollutions et une crise hydrique aiguë, le quotidien de ces derniers est d’autant aggravé.
Gaza n’est pas seulement touchée par les roquettes et les drones kamikazes. La ville traverse en conséquences de la destruction d’infrastructures, une crise environnementale sans précédent. Fragment de la Palestine, la bande est un territoire exigu de 360 kilomètres carrés, soit à peine trois fois la superficie de Paris intra-muros, caractérisé par une importante croissance démographique.
Avec environ 2,3 millions d’habitants, c’est l’un des territoires les plus denses de la planète, au regard de sa surface. Déjà à son origine et nonobstant le conflit actuel, la population générait une pression sur l’environnement d’autant plus forte, que feu les autorités peinaient à assumer le rythme exponentiel démographique dans un contexte de grande pauvreté. Rappelons que le PIB par habitant est inférieur à 2000 dollars par an, et qu’inéluctablement 46% de la population vivait sous le seuil de pauvreté en 2022.
Une vague de nouveaux fléaux
Alors que l’insuffisance d’infrastructures telles que le réseau d’eau potable ou encore les stations d’assainissement atteignaient déjà un niveau critique, celles-ci sont dorénavant en grande partie dévastées par le conflit meurtrier et destructeur, accentuant une crise environnementale de plus en plus marquée. Ce, entrainant des conséquences sanitaires déplorables.
Fin septembre 2024, plus de 66% des bâtiments de la bande de Gaza ont été détruits ou endommagés, dont au moins 60% des hôpitaux, des écoles et des universités selon l’ONU, qui s’appuie sur des données satellites. L’organisation internationale estime que la guerre a déjà généré 39 millions de tonnes de débris, soit l’équivalent de dix grandes pyramides de Gizeh (Égypte). Ces débris renferment souvent des restes humains ou des munitions non explosées, tandis que les effondrements et les incendies dus aux bombardements produisent d’énormes quantités de poussière à l’origine de difficultés respiratoires.
De constats d’experts, les Nations unies dénoncent en outre que plusieurs munitions utilisées par l’armée israélienne contiennent des substances chimiques dangereuses telles que du phosphore ou des métaux lourds toxiques (arsenic, cadmium, chrome, plomb, mercure), évidemment sur la santé, mais également non sans conséquences sur l’environnement direct. Aussi vient s’ajouter à ce fait avéré, la destruction de la moitié des terrains agricoles (surtout des oliveraies et des orangeraies), menaçant un approvisionnement alimentaire déjà extrêmement limité et dépendant de l’extérieur. Au-delà donc de l’endommagement des sols devenus inexploitables par les bombardements, les dernières parcelles qui laissaient un espoir d’autoproduction bien que limitée, sont maintenant dangereusement polluées.
Également, le ramassage des ordures étant rendu impossible par la pénurie de carburant et les vagues de frappes imprévisibles, les déchets s’entassent dans de multiples décharges informelles et improvisées, contaminant ainsi les sols et les nappes phréatiques par infiltration, ou bien ils sont brûlés, aggravant une pollution de l’air déjà particulièrement élevée. Et comme cela ne se suffisait pas, les réseaux de distribution d’eau potable et d’assainissement sont quasiment à l’arrêt.
A de nombreuse reprises, l’ONU et les rares organisations humanitaires restées sur place, ont dénoncé l’utilisation de l’eau comme une « arme de guerre » dans le cadre du siège de Gaza, qui limite aussi drastiquement la quantité de nourriture entrant sur le territoire (ONU 2024, Oxfam 2024).
Une catastrophe sanitaire sans précédent
C’est la guerre bien sûr. Mais une guerre qui ne respecte aucune des règles internationales. Les conséquences sanitaires sont telles tant à court qu’à long terme, qu’elles rendent le territoire invivable tant les conditions de vie deviennent insalubres. Dans les trois premiers mois du conflit, l’ONU enregistrait déjà des cas de diarrhées (causées par la consommation d’eau contaminée) 25 fois supérieurs au niveau d’avant le conflit. L’absence quasi totale d’assainissement combinée aux fortes densités dans les camps de réfugiés font dorénavant craindre l’apparition du choléra, alors que des cas de gale et d’hépatite A sont déjà recensés. Aussi, les ONG observent une résurgence de la poliomyélite, une maladie pourtant disparue depuis vingt-cinq ans sur ce territoire, justifiant une brève « pause humanitaire » ayant pour but de mener une campagne de vaccination. Autre phénomène aggravant : les déplacements de population facilitent la propagation des épidémies, d’autant plus que les Palestiniens sont rendus plus vulnérables par la malnutrition et la désorganisation d’un système de santé submergé par la prise en charge des blessés. Contrôlée par Israël, l’aide humanitaire n’entre qu’au compte-gouttes dans cette enclave s’éloignant du regard des médias internationaux.
S’ajoutant aux « caractéristiques génocidaires » du conflit, relevées par le Conseil de sécurité de l’ONU en mars 2024, cet « écocide » revêt toutes les caractéristique nouvelles de crime de guerre. En effet, les dommages écologiques en temps de conflit étant condamnés par le droit international (protocole additionnel aux conventions de Genève ainsi qu’au statut de Rome de la Cour pénale internationale, qui a montré sa volonté en ce sens en février 2024).
Une pareille situation pose la question de la reconstruction et de la résilience de ce territoire… lorsque les combats auront cessé. Viendra également le temps du constat de qui ou d’où viendra cet hypothétique sauvetage.