1648 ou le début du Traité comme instrument de règlement des différends, première ébauche d’un ordre international
On date généralement de 1648 le début de construction d’un ordre international fondé sur les traités de Westphalie (ou paix de Westphalie), signés le 24 octobre 1648, concluent simultanément deux séries de conflits en Europe :
- la guerre de Trente Ans, qui a impliqué l’ensemble des puissances du continent dans le conflit entre le Saint-Empire romain germanique et ses États allemands protestants en rébellion ;
- la guerre de Quatre-Vingts Ans, opposant les Provinces-Unies révoltées à la monarchie espagnole.
Ce système a prospéré, s’est développé et imposé comme une référence incontournable, jusqu’à une période récente
Cet effort vers un ordre international régi par des traités et des volontés mutuelles librement consenties de faire la paix, commercer, nouer des alliances et les respecter, s’est sans cesse renforcé au cours du XIXème siècle et dans l’après premier conflit mondial, avec la création de la Société des Nations (SDN). Il a trouvé son point d’orgue avec la Charte des Nations-Unies et toutes les institutions internationales qui en dépendent plus ou main. Le droit international s’est imposé comme une référence incontournable. Il s’agissait notamment de rendre impossible une nouvelle Shoah et d’établir le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Même Georges W Bush, lorsqu’il décida de mettre fin au régime de Saddam Hussein, chercha à obtenir une légitimité internationale en passant par l’ONU. La France chiraquienne, à la tête d’une large coalition, le contraignit à une guerre dépourvue de toute légalité et toute légitimité.
En 2011, lorsqu’il s’est agi d’abattre le régime libyen de Kadhafi, il y eut une résolution du Conseil de Sécurité (1703) pour autoriser l’intervention mais pas la chute du régime. L’Allemagne s’abstint, première fêlure dans ce qui était alors le couple franco-allemand. La Russie ne s’opposa pas mais elle en tira une conclusion qui aura de lourdes conséquences pour l’avenir : les Occidentaux, Français et Américains surtout, n’ayant pas respecté les termes de la résolution, bloquer le Conseil de Sécurité serait désormais plus prudent.
Le retour au simple rapport de force assumé, ces dix dernières années
L’invasion de la Crimée en 2014 et le conflit déclenché par la Russie en Ukraine (février 2002) sont contraires au droit international en dépit de ressorts psychologiques largement sous-estimés.
A Gaza toute la Charte des Nations a été violée point par point et le droit humanitaire totalement nié. Le Liban s’est vu bombardé et envahi en dehors de toute légalité internationale. Enfin, chacun sait qui est derrière la chute du « Tueur en Syrie », Bachar Al Assad.
Donald Trump lui souhaite annexer le Canada et le Groenland, le Canal de Panama. Il dirigera les Etats de manière familiale et peut-être même dynastique.
Concernant la Chine, quel sera le sort réservé à Taiwan ?
Disons-le clairement, le droit international et son corollaire, le système multilatéral sont morts. La relégation, malheureuse, de l’ONU comme système décisionnel est bien entamée. A qui cela profite-t-il ?
Les grandes puissances et leurs satellites laissent libre cours à leur volonté hégémonique
Le seul rapport de force bénéficie toujours, très naturellement, aux grandes puissances. Dirigées par des hommes forts dont la démocratie est le cadet de leurs soucis, ils manifestent clairement leur volonté d’expansion et de servir les seuls intérêts de leurs pays sur le long terme.
Etats-Unis, Chine et à moindre niveau Russie, jouent dans la cours des grands : vaste territoire, population importante, complexe industrialo-militaire puissant et surtout contrôle des matières critiques ou stratégiques indispensables au bon fonctionnement de l’économie et aussi à la transition écologique lancée en 2019 par le « Green Deal » de l’Union européenne.
Quels sont les perdants ?
Au premier chef l’Europe qui est un nain géopolitique qui ne dispose d’aucune capacité diplomatico-militaire. En effet, ce qui était possible à 6, 9 ou 12 est désormais totalement hors de portée. Les anciens pays membres du Pacte de Varsovie sont désormais déchirés entre mouvance pro-russe et mouvance pro-occidentale.
Une politique étrangère commune est donc devenue hors de portée tant certains Etats privilégient le parapluie militaire américain de l’OTAN et d’autres sont inféodés à Moscou. 80% des matériaux d’armements fournis par les Européens à l’Ukraine ont une origine américaine.
Une population vieillissante, une absence de ressources énergétiques qui contraint l’Europe à se tourner vers les BRICS pour assurer ses approvisionnements alors que les relations diplomatiques sont tendues pour ne pas dire détestables. L’hypothèse d’une paralysie de l’économie européenne par manque de lithium, aluminium, cobalt, nickel ou terres rares n’est pas totalement exclue. Pour la France, il existe un enjeu essentiel, celui de l’uranium pour approvisionner sa filière nucléaire. Le meilleur avantage comparatif de notre pays. La prise en compte du risque géopolitique n’incite gère à l’optimisme.
Disons-le clairement en écartant le droit international comme régulateur de l’ordre international, l’Europe s’est suicidée. Son alignement inconditionnel sur les Etats-Unis à Gaza fut non seulement une faute morale gravissime mais a aussi semé les germes d’une perte d’influence colossale. La France et le Royaume-Uni ont bradé l’avantage, hérité d’une histoire lointaine, qui leur permettait d’être membres permanents du Conseil de sécurité. Ce directoire a vécu, il ne sert désormais plus à grand-chose face au rapport de force unilatéral, assumé et sans limite.
Les BRICS et les Etats-Unis grand gagnants des faiblesses européennes
Les grands bénéficiaires sont naturellement les BRICS et les Etats-Unis qui disposent, eux, de tous les atouts de la puissance, dirigés par des Empereurs face à des dirigeants occidentaux qui ne sont que des communicants bien souvent insignifiants. Le rejet du modèle de « démocratie libérale » bénéficie largement au Sud Global. Là encore, Gaza, aura été un accélérateur tant il aura prouvé, jusqu’à l’écœurement que le « deux poids, deux mesures » ne cherchait même plus à se dissimuler et que le droit international avait vécu.
Ce “basculement du monde” n’aurait pas été possible sans l’infinie faiblesse des démocraties européennes. Et c’est là que politique et international se rejoignent. Le système démocratique est à bout de souffle, en crise peut être irrémédiable. Il est devenu un moyen de sélectionner les plus mauvais tant le peuple s’est détourné des élites jugées inefficaces et corrompues.
La puissance en roue libre
Nous sommes revenus à ce jeu qu’aiment tant d’adolescents « le Risk », « J’estime que tu constitues une menace ou que tu me coupes un axe stratégique, je t’attaque car je suis plus fort ». Tel est le nouveau système international.
Oui, hélas, la « guerre a un bel avenir ». Et nous entrons dans un monde post-démocratique.