Alors que les agences et organisations humanitaires assistent à « l’effondrement de l’ordre public et au pillage armé systématique de l’aide » par des gangs locaux à Gaza, le Coordinateur des secours d’urgence des Nations Unies appelle la communauté internationale à intervenir afin de « briser le cycle de la violence » dans l’enclave palestinienne.
Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), Gaza est actuellement l’endroit le plus dangereux au monde, où le nombre d’humanitaires tués est le plus élevé jamais enregistré au cours d’une seule année.
Ce cri d’appel du Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, est lancé tandis que les frappes aériennes israéliennes dans les zones densément peuplées se poursuivent inlassablement, y compris sur les zones où les forces israéliennes ont ordonné à la population de fuir, provoquant d’innombrables destructions, des déplacements massifs et des morts par milliers.
« Les écoles, les hôpitaux et les infrastructures civiles ont été réduits à l’état de ruines », a rapporté dans un récent communiqué Tom Fletcher, à son retour d’une énième mission au Moyen-Orient et après avoir rencontré ses équipes humanitaires au cœur du Territoire palestinien occupé.
Selon le représentant onusien, le sud de Gaza subit un surpeuplement de plus en plus insupportable, ayant pour conséquence des conditions de vie inhumaines et générant des besoins humanitaires proche de l’impossible à l’approche de l’hiver. Dans le même temps, le nord de la bande de Gaza est soumis à un siège quasi total depuis plus de deux mois, faisant « planer le spectre d’une famine inédite ».
Des blocages et des impossibilités de fournir l’aide au nord Gaza assiégé depuis plus de deux mois
Dans le même temps, les missions humanitaires dans le gouvernorat de Gaza Nord ont été particulièrement perturbées, notamment celles qui cherchaient à atteindre Jabalia, Beit Lahiya et Beit Hanoun. Entre le 1er et le 16 décembre, les Nations Unies ont été empêchées d’atteindre ces zones assiégées à 40 reprises, 38 d’entre elles ont été purement refusées et menacées, deux ont été entravées par des contrôles arbitraires par les armes.
Dans les zones du gouvernorat de Rafah, qui font l’objet d’une opération et d’une occupation militaire israélienne depuis le début du mois de mai, les missions d’aide internationales coordonnées par la communauté internationale, sous égide des Nations Unies, ont été confrontées à des violations incessantes des conventions internationales. Les 20 demandes coordonnées soumises aux autorités israéliennes entre le 1er et le 16 décembre ont toutes fait l’objet d’un refus catégorique et menaçant de rétorsions.
« Malgré l’ampleur des besoins humanitaires, il est devenu presque impossible de fournir ne serait-ce qu’une fraction de l’aide requise de toute urgence », a déploré le chef d’OCHA, relevant que plus de 100 demandes d’accès au nord de Gaza ont été rejetées depuis le 6 octobre.
D’une manière générale et fort de leur expérience, les agences et organisations non gouvernementales savent s’adapter aux terrains les plus périlleux et risqués, afin d’apporter une aide humanitaire adaptée. Selon l’OCHA au 17 décembre, environ 80 % de Gaza faisait l’objet d’un ordre d’évacuation actif émis par Israël à leur encontre.
Or, au moins 1,9 million de personnes, soit environ 90 % de la population, sont déplacées et concentrées dans la bande de Gaza. Bon nombre d’entre elles ont d’ores et déjà été déplacées à plusieurs reprises, certaines dix fois ou plus.
Destruction d’infrastructures essentielles et violences des colons en Cisjordanie
Du côté de la Cisjordanie, la situation continue de se détériorer et « le nombre de morts est le plus élevé que nous ayons jamais enregistré », se désole Tom Fletcher. Au cours de l’année écoulée, les opérations militaires israéliennes ont entraîné non sans une volonté macabre, la destruction d’infrastructures essentielles telles que les routes et les voies d’accès à la population, les réseaux d’eau et globalement le peu de ressources énergétiques, en particulier dans les camps de réfugiés où sont regroupés par la force, les familles déplacées.
Nous l’écrirons jamais assez, la montée en puissance de la violence des colons et les démolitions d’habitations ont généré des exodes toujours plus massifs et en conséquence des besoins humanitaires exponentiels. Là aussi, les restrictions de circulation entravent les moyens de subsistance des populations, mais aussi l’accès aux services essentiels, en particulier les soins de santé.
Face à ces défis sécuritaires toujours grandissants, les Nations Unies et la communauté humanitaire internationale restent présents et tentent malgré tout d’apporter leur contribution, malgré des obstacles et surtout des dangers de plus en plus importants pour leurs personnels.
« J’appelle la communauté internationale à défendre le droit humanitaire international, à exiger la protection de tous les civils, à insister pour que le Hamas libère tous les otages, à défendre le travail vital de l’UNRWA et à rompre le cycle de la violence », exhorte Tom Fletcher.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) condamne une attaque israélienne contre un convoi d’aide
Les frappes aériennes israéliennes se sont poursuivies avec une intensité décuplée dans la bande de Gaza dans la nuit de dimanche à lundi, alors que le Programme alimentaire mondial (PAM) avait signalé qu’un de ses convois d’aide dans l’enclave ravagée par la guerre, avait été ciblé par des tirs israéliens dimanche.
Le PAM a publié lundi un communiqué condamnant l’attaque, insistant sur le fait que ses véhicules étaient « clairement identifiés ». Pas moins 16 impacts de balles ont touché le convoi de trois véhicules transportant huit membres du personnel qui ont essuyé ces tirs près du poste de contrôle de Wadi Gaza. « Heureusement, aucun membre du personnel n’a été blessé », a en outre précisé l’agence.
Alors que toutes les autorisations nécessaires avaient été obtenues auprès des autorités israéliennes, le PAM a déclaré qu’il s’agissait « simplement du dernier exemple de l’environnement de travail complexe et dangereux » auquel ses équipes sont confrontées.
Frapper les hommes, frapper le matériel et les vivres
Ces nouveaux faits criminels au regard du droit international, intervient alors que dans le même temps ce week-end, un missile frappait un entrepôt de distribution de farine dans le centre de Gaza géré, ce dernier géré par un partenaire humanitaire de l’ONU, faisant trois blessés graves parmi les personnels humanitaires.
Les équipes des agences de l’ONU à proximité de l’entrepôt ont relevé au-delà des cris après la frappe, des pillages et de nombreux tirs d’armes légères au sol après l’explosion de dimanche, notamment dans les locaux du centre de développement MA’AN.
Alors que la situation s’empirant dramatiquement dans la région s’éloigne des radars médiatiques, il n’est pas inutile ici de rappeler que cela fait 15 longs mois que la guerre a éclaté à Gaza, en suite des attaques terroristes menées par le Hamas contre Israël, et qui certes ont fait quelques 1.200 morts en octobre 2023 et plus de 250 personnes prises en otage.
Les pourparlers sans fins d’un hypothétique cessez-le-feu entre les responsables palestiniens et Israël s’éloignent tout les jours un peu plus. Plus encore à un accord durable afin de mettre fin à la violence ou libérer les personnes qui restent otages.
À l’heure où nous publions, pour ne pas oublier, des bombardements israéliens aériens, terrestres et maritimes continuent de s’accélérer dans la bande de Gaza, où un hiver rigoureux s’est installé.
Ces derniers jours, huit nourrissons seraient morts d’hypothermie et à ce jour, plus de 45.300 Palestiniens ont été tués et plus de 107.700 blessés ont été recensés. Et les chiffres sont plus qu’alarmants pour quiconque cherche un avenir au conflit : un sur cinq d’entre eux a subi des blessures irréparables et ayant pour conséquence un très lourd handicap, depuis le 7 octobre 2023 selon les autorités.
Des tensions qui montent également en puissance au levant
Au Liban, la force de maintien de la paix de l’ONU a exhorté toutes les parties au conflit à renoncer à toute action qui pourrait mettre en péril leur fragile cessez-le-feu, après la « destruction délibérée et directe » par l’armée israélienne, d’une ligne de marquage de retrait dans le sud du Liban.
Dans une déclaration condamnant cette décision, la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) a parfaitement décrit récemment dans une note remise au Conseil de sécurité, comment les soldats de la paix ont observé le travail acharné d’un bulldozer de Tsahal « détruire un tonneau bleu marquant la ligne de retrait entre le Liban et Israël à Labbouneh, ainsi qu’une tour d’observation appartenant aux forces armées libanaises immédiatement à côté d’une position de la FINUL à cet endroit ».
Ce développement constitue « une violation flagrante de la résolution 1701 et du droit international », a insisté la Mission de l’ONU en référence à la résolution du Conseil de sécurité adoptée à la suite de la guerre de 2006 au Liban, entre Israël et le Hezbollah, visant à mettre fin à leur conflit.
Des mouvements dangereux, provocateurs et violant tous les accords
Ces derniers jours, la FINUL a également constaté, signalé et alarmé le Conseil de sécurité concernant des opérations de l’armée israélienne en cours au nord de la Ligne bleue patrouillée par l’ONU, malgré un accord de cessez-le-feu de 60 jours signé le 27 novembre 2024 par les gouvernements d’Israël et du Liban.
Plus précisément, l’organisation a appelé l’Etat Hébreu à se retirer du sud du Liban et le Hezbollah à mettre fin à sa présence armée dans cette région, dans le même délai.
Pour la mémoire collective, l’accord a précisément été rédigé et conclu afin de mettre fin aux hostilités entre Israël et le Hezbollah, survenues une fois de plus en octobre 2023, dans le prolongement du conflit dans la bande de Gaza.
Dans une mise à jour quotidienne de la situation, les agences humanitaires de l’ONU rappellent régulièrement que des besoins humanitaires complexes persistent également au Liban, et notamment directement liés aux déplacements forcés et totalement anarchiques des populations. Allers-retours inclus.
Selon l’OIM, l’agence des Nations Unies pour les migrations, plus de 860.000 personnes déracinées au Liban par le récent conflit, sont désormais rentrées dans leurs anciennes communautés, mais près de 124.000 restent déplacées.
Depuis le 8 décembre dernier, date de l’effondrement du régime Assad, des dizaines de milliers personnes sont également arrivées au pays du cèdre en provenance de Syrie. Des ressortissants libanais espérant retrouver leur terre, et de nombreux syriens en quête d’un peu de repos. Et le constat est amère : toutes sont confrontées à la « destruction généralisée des habitations et des infrastructures vitales, à la perturbation des services essentiels, aux risques d’engins explosifs éparpillés et abandonnés, aux moyens de subsistance limités et à l’épuisement des mécanismes d’adaptation », averti l’agence des Nations Unies pour les réfugiés, le HCR.
Les populations restées dans les zones touchées par le conflit pendant l’escalade des hostilités « sont confrontées à des conditions désastreuses car les services essentiels ont été sévèrement limités pendant une période prolongée », désespère l’agence onusienne, dans un appel à « une aide humanitaire immédiate et à un soutien au relèvement à long terme ».