Goma livrée au M23 et aux pillards après un “déluge de feu”

par Olivier DELAGARDE
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Dans le quartier de Himbi, les tirs ont baissé d’intensité. Et les premiers à circuler sur l’avenue déserte sont des combattants du M23, nouveaux maîtres des lieux avec leurs alliés des forces rwandaise et dont la prise de Goma semble inexorable.

Certains de ces miliciens portent à bout de bras des équipements, des munitions et des armes récupérées après la déroute des forces officielles de Kinshasa.

La veille, ces dernières avaient été observées par dizaines sur la même avenue, visiblement en perdition et déconcertées par la violence de ce putsch. Certains l’arme à la main, tirant parfois en l’air. D’autres jetant à la hâte leurs uniformes par-dessus les clôtures tentant d’échapper à la capture.

Cloîtrés chez eux lundi sous un « déluge de feu », les habitants de la principale cité de l’est de la République démocratique du Congo ont timidement réarpenté les rues mardi, dans un état de sidération sans égal.

Depuis plusieurs jours, l’électricité et l’eau sont coupées dans toute la ville.

Malgré les tirs en rafales d’armes légères qui résonnent sporadiquement aux environs, des habitants se pressent pour descendre puiser de l’eau sur la rive du lac Kivu, chargé de bidons en plastique.

Nombreux sont ceux qui témoignent d’avoir été mis en joue la veille par des hommes en armes, miliciens ou militaires congolais dans une totale confusion, après s’être retrouvés encerclés dans la ville, coincée entre le lac et la frontière rwandaise.

« On s’est rencontrés avec des militaires, ils nous ont tout volé, nos téléphones, même nos souliers », raconte Jospin Nyolemwaka à l’AFP. Ce dernier a fui les quartiers de la périphérie ouest pour se réfugier au centre-ville.

Uniformes et tous signes distinctifs abandonnés

Ces quartiers ouest passée sous contrôle des putschistes du M23, ont également été le théâtre d’intenses combats. Mardi matin, de nombreux cadavres gisent dans une rue du quartier de Keshero. Certains en uniforme de l’armée congolaise, d’autres en civil.

A Ndosho, un quartier voisin aussi tombé aux mains du M23, la sécurité est revenue et une immense foule se presse aux portes d’un entrepôt d’aide humanitaire.

Toutefois laissé sans protection, celui-ci a été pillé de fond en comble. Les villageois, privés pendant de longues journées de nourriture et d’eau, s’y ruent en emportant tout ce qu’ils peuvent. Paquets de carrelage, matelas, sacs de farine estampillés « Usaid », l’agence américaine pour le développement.

Abandonnée par les forces de l’ordre, la ville est en proie à de violents pillages, selon de multiples témoins.

Dans le centre-ville, rendu difficile d’accès mardi en raison des combats qui y persistent, les rues sont jonchées d’uniformes, de bottes et de gilets pare-balle abandonnés par les forces de Kinshasa, décrit une source humanitaire sous couvert de l’anonymat.

Elle raconte que 20 à 30 corps sont empilés devant le principal hôpital de la ville et des files de prisonniers remontent les rues, escortés par des combattants du M23.

Sous un déluge de feu

Dès lundi, des détonations d’artillerie lourde et rafales d’armes automatiques ont résonné pendant d’interminables heures, notamment dans le centre-ville, l’un des quartiers les plus huppés proche de la frontière rwandaise.

Mortiers, roquettes et balles de tous calibres ont déferlés sur les habitations, les bâtiments administratifs et les sites occupés par des ONG internationales, alors que certaines unités de l’armée régulière congolaise livraient une résistance acharnée face aux troupes rwandaises réputées largement supérieures tant en formation qu’en armement.

Pris au piège de ces intenses combats, la population civile congolaise ou bien encore étrangère ont traversé des journées et nuits d’angoisse dans une incertitude totale sur leur devenir, privés de réseau téléphonique ou d’internet, coupés depuis plusieurs jours.

Chacune et chacun sont restés calfeutrés dans des abris de fortune, redoutant la balle ou l’éclat d’obus perdu, mais aussi les pillages généralisés.

Depuis ce mardi, les factions armées du M23 sont postées devant le gouvernorat, siège de l’autorité provinciale déchue. Quelques badauds errent sur le trottoir d’en face, totalement déconcertés.

Selon les villageois qui acceptent de s’exprimer, les miliciens du M23 sont disciplinés mais demandent aux civils de leur montrer leurs épaules nues, traquant d’éventuelles marques de sangle de fusil laissées sur la peau.

« Ils aiment qu’on les applaudisse, alors on vient les applaudir », ironise un riverain.

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