Présidentielle en Côte d’Ivoire 2025 : un scrutin crucial pour l’avenir des relations entre Abidjan et le bloc sahélien

par Romeo POGNON
5 minutes lire

À l’approche de la présidentielle ivoirienne de 2025, les regards se tournent vers Abidjan, non seulement pour ses enjeux internes, mais aussi pour son impact régional. Dans un contexte de rupture entre la CEDEAO et les pays du Sahel, ce scrutin pourrait ouvrir un nouveau chapitre diplomatique… ou renforcer les fractures.

Alors que la Côte d’Ivoire s’approche à grands pas de l’élection présidentielle de 2025, ce scrutin s’annonce comme bien plus qu’une simple affaire nationale. Il cristallise l’attention de toute l’Afrique de l’Ouest – et tout particulièrement celle des pays de l’Alliance des États du Sahel (AES), le Mali, le Burkina Faso et le Niger. À travers cette élection, c’est l’avenir des rapports de force dans la région qui pourrait être redéfini.

La Côte d’ivoire : colonne vertébrale de la CEDEAO et acteur du statu quo

Depuis plusieurs années, Abidjan joue un rôle pivot au sein de la CEDEAO. Moteur économique, pôle de stabilité, mais aussi partenaire fidèle des puissances occidentales, la Côte d’Ivoire s’est imposée comme l’un des bastions du statu quo régional. Un rôle assumé par le président Alassane Ouattara, qui n’a jamais caché son attachement aux institutions régionales et à la coopération sécuritaire avec la France.

Mais cette position fait grincer des dents dans les capitales sahéliennes. À Bamako, Ouagadougou ou Niamey, le président ivoirien est perçu comme un acteur au service d’un ordre néocolonial, verrouillé par la France. La présence militaire française même si elle est officiellement absente du sol ivoirien depuis la remise de la base militaire du 43 eme Bima à l’etat ivoirien, etait, dans la lecture des pays voisins, synonyme d’ingérence. Pour les dirigeants sahéliens, Abidjan est une base arrière stratégique pour leur isolement – voire leur déstabilisation. Le retrait fracassant de l’AES de la CEDEAO début 2024 a d’ailleurs été justifié, en partie, par cette dynamique de rupture.

Dès lors, une question hante les chancelleries régionales : la présidentielle ivoirienne pourrait-elle marquer un tournant ? Une alternance politique à Abidjan ouvrirait-elle une fenêtre de dialogue entre la Côte d’Ivoire et les nouveaux régimes du Sahel ?

Trois figures émergent dans cette élection.

Alassane Ouattara, tout d’abord, n’a pas encore clarifié ses intentions. Son bilan économique et son influence diplomatique en font un candidat naturel à sa propre succession, mais il est aussi l’homme du système que rejettent ouvertement les militaires sahéliens.

Tidjane Thiam, ensuite, désormais à la tête du PDCI, pourrait incarner une alternative modernisatrice. Ancien banquier international, auréolé de sa réussite à la tête de grandes institutions financières, il rassure les partenaires occidentaux. Mais son profil technocratique, et les incertitudes juridiques autour de sa nationalité, pourraient freiner son ascension. S’il se déclare candidat, il deviendra sans doute le principal rival d’Alassane Ouattara – un duel inédit, entre deux figures de l’élite ivoirienne, mais aux trajectoires très différentes.

Enfin, Laurent Gbagbo, l’éternel revenant. Acquitté par la Cour pénale internationale, mais encore privé de ses droits civiques en Côte d’Ivoire à cause du procès du braquage de la Bceao, l’ancien président veut croire à une revanche historique. Sa candidature, si elle est validée, ferait figure de symbole. Dans les capitales sahéliennes, Laurent Gbagbo est vu comme un “combattant de la liberté”, un adversaire assumé du néocolonialisme, et le seul capable de réorienter la diplomatie ivoirienne vers une posture panafricaine.

l’Ombre portée de la France et le prisme sahélien

Ce scrutin ne déterminera donc pas seulement le futur président de la Côte d’Ivoire. Il posera aussi les bases d’un nouvel équilibre régional. Une victoire d’Alassane Ouattara prolongerait la ligne actuelle, celle d’un ancrage solide à la CEDEAO et à la France. Un succès de Tidjane Thiam pourrait offrir un repositionnement plus subtil, entre continuité économique et rénovation politique. Une victoire – improbable mais symboliquement puissante – de Laurent Gbagbo serait, pour les régimes de l’AES, un signal fort de rupture avec l’ordre établi.

Dans une région marquée par les tensions, les coups d’État, et les recompositions d’alliances, la Côte d’Ivoire 2025 est bien plus qu’un scrutin national : c’est un marqueur géopolitique, un thermomètre des fractures africaines, et peut-être même, le début d’une nouvelle ère.

Vous aimerez aussi

Geopolitics.fr traite de l’actualité et analyse les questions politiques, internationales et de défense dans une perspective gaullo-chiraquienne et dans une démarche participative.

Newsletter

Abonnez-vous à ma newsletter pour de nouveaux articles de blog, des conseils et de nouvelles photos. Restons informés !

Dernières News

@2024 – All Right Reserved. Site réalisé par  Aum Web
Voulez-vous vraiment déverrouiller cet article ?
Restant à déverrouiller : 0
Êtes-vous sûr de vouloir annuler l'abonnement ?